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Page:Gobineau Essai inegalite races 1884 Vol 1.djvu/476

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dont s’enorgueillissent les fastes littéraires (1)[1]. À côté de cet homme illustre, plusieurs encore créaient ces chefs-d’œuvre recueillis en partie par le savant Wilson, dans son Théâtre indien, et, bref, l’amour des plaisirs intellectuels, d’une part, et celui des profits qu’il rapportait, de l’autre, avaient fini par créer, dans ce monde antique, le métier d’homme de lettres, comme nous le voyons pratiquer sous nos yeux depuis trente ans environ, non pas tout à fait dans la même forme quant aux productions, mais sans la moindre différence quant à l’esprit (2)[2]. Je n’en veux pour démonstration qu’une courte anecdote que je citerai, afin d’ouvrir aussi une échappée de vue sur le côté familier de cette grande civilisation.

Un brahmane faisait le métier que je dis, et, soit qu’il y gagnât peu, ou peut-être qu’il dépensât trop, il se trouvait à court d’argent. Sa femme lui conseilla d’aller se mettre sur le



(1) Les Hindous n’ont pas eu la même manière que nous d’envisager l’histoire, de sorte que, bien que nous ayant conservé les souvenirs les plus remarquables des faits, des caractères et des habitudes de leurs plus anciens ancêtres, ils ne nous fournissent pas d’ouvrage vraiment méthodique à ce sujet. M. Jules Mohl a très bien constaté et apprécié cette particularité remarquable : « On sait, dit cet admirable juge des choses asiatiques, que l’Inde n’a pas produit d’historien, ni même de chroniqueur. La littérature sanscrite ne manque pas pour cela de données historiques ; elle est plus riche, peut-être, que toute autre littérature en renseignements sur l’histoire morale de la nation, sur l’origine et le développement de ses idées et de ses institutions, enfin sur tout ce qui forme le cœur, comme le noyau de l’histoire de ce que les chroniqueurs de la plupart des peuples négligent pour se contenter de l’écorce. Mais, comme dit Albirouni : « Ils ont toujours négligé de rédiger les chroniques des règnes de leurs rois. » De sorte que nous ne savons jamais exactement quand leurs dynasties commencent et quand elles finissent, ni sur quels pays elles ont régné. Leurs généalogies sont en mauvais ordre et leur chronologie est nulle. » (Rapport annuel fait à la Société asiatique, 1849, p. 26-27.)

(2) C’est probablement à l’école de ces littérateurs que se formaient les poètes du genre de celui qui a écrit le Hásyarnavah (l’Océan des plaisanteries). C’est une comédie très mordante dirigée contre les rois, les hommes de cour et les prêtres. Les uns sont traités de fainéants inutiles et les autres d’hypocrites. (W. v. Schlegel, Indische Bibliothek, t. III, p. 161.)


  1. (1) Les Hindous n’ont pas eu la même manière que nous d’envisager l’histoire, de sorte que, bien que nous ayant conservé les souvenirs les plus remarquables des faits, des caractères et des habitudes de leurs plus anciens ancêtres, ils ne nous fournissent pas d’ouvrage vraiment méthodique à ce sujet. M. Jules Mohl a très bien constaté et apprécié cette particularité remarquable : « On sait, dit cet admirable juge des choses asiatiques, que l’Inde n’a pas produit d’historien, ni même de chroniqueur. La littérature sanscrite ne manque pas pour cela de données historiques ; elle est plus riche, peut-être, que toute autre littérature en renseignements sur l’histoire morale de la nation, sur l’origine et le développement de ses idées et de ses institutions, enfin sur tout ce qui forme le cœur, comme le noyau de l’histoire de ce que les chroniqueurs de la plupart des peuples négligent pour se contenter de l’écorce. Mais, comme dit Albirouni : « Ils ont toujours négligé de rédiger les chroniques des règnes de leurs rois. » De sorte que nous ne savons jamais exactement quand leurs dynasties commencent et quand elles finissent, ni sur quels pays elles ont régné. Leurs généalogies sont en mauvais ordre et leur chronologie est nulle. » (Rapport annuel fait à la Société asiatique, 1849, p. 26-27.)
  2. (2) C’est probablement à l’école de ces littérateurs que se formaient les poètes du genre de celui qui a écrit le Hásyarnavah (l’Océan des plaisanteries). C’est une comédie très mordante dirigée contre les rois, les hommes de cour et les prêtres. Les uns sont traités de fainéants inutiles et les autres d’hypocrites. (W. v. Schlegel, Indische Bibliothek, t. III, p. 161.)