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Mais l’égrenage des races n’aboutissait pas uniquement à rendre impossible un gouvernement régulier, en détruisant les instincts et les aptitudes générales d’où seulement résulte la stabilité des institutions ; cet état de choses attaquait encore, d’une autre façon, la santé normale du corps social en faisant éclore une foule d’individualités pourvues fortuitement de trop de forces, et exerçant une action funeste sur l’ensemble des groupes dont elles faisaient partie. Comment la société serait-elle restée assise et tranquille quand, à tout instant, quelque combinaison des éléments ethniques en perpétuelle pérégrination et fusion créait en haut, en bas, au milieu de l’échelle, et plus souvent en bas qu’ailleurs, parce que là il y a plus de place pour les appariements de hasard, des individualités qui naissaient armées de facultés assez puissantes pour agir, chacune dans un sens différent, sur leurs voisins et leurs contemporains ?

Dans les époques où les races nationales se combinent harmonieusement, les hommes de talent jettent un plus vif éclat parce qu’ils sont plus rares, et ils sont plus rares parce que, ne pouvant, issus qu’ils sont d’une masse homogène, que reproduire des aptitudes et des instincts très répandus autour d’eux, leur distinction ne vient pas du disparate de leurs facultés avec celles des autres hommes, mais bien de l’opulence plus grande dans laquelle ils possèdent les mérites généraux. Ces créatures-là sont donc bien réellement grandes, et, comme leur pouvoir supérieur ne consiste qu’à mieux démêler les voies naturelles du peuple qui les entoure, elles sont comprises, elles sont suivies et font faire, non pas des phrases brillantes, non pas même toujours de très illustres choses, mais des choses utiles à leur groupe. Le résultat de cette concordance parfaite, intime, du génie ethnique d’un homme supérieur avec celui de la race qu’il guide, se manifeste par ceci, que, si le peuple est encore dans l’âge héroïque, le chef se confond plus tard, pour les annalistes, avec la population, ou bien la population avec le chef (1)[1]. C’est ainsi que l’on parle de l’Hercule



(1) Ainsi les récits mythologiques de la Grèce parlent des exploits

  1. (1) Ainsi les récits mythologiques de la Grèce parlent des exploits d’Hercule sans jamais mentionner ses compagnons, et les chefs de différents peuples voyageurs ne sont autres que la personnification des nations elles-mêmes ; Leck ou Tschek, suivant les légendes, a dirigé les exploits des Lecks, Suap ceux des Souabes, Saxneat ceux des Saxons, Francus ceux des Franks, etc. (Schaffarik, Slawische Alterthümer, t. I, p. 235.)