Page:Gobineau Essai inegalite races 1884 Vol 2.djvu/401

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habileté de formes, que sous quelques rapports ils méritent presque d’être comparés aux chefs-d’œuvre du chantre d’Ulysse. La rime y est inconnue ; ils sont rythmés et allitérés (1)[1]. L’ancienneté de ce système de versification est incontestable. Peut-être en pourrait-on retrouver des traces aux époques les plus primitives de la race blanche.

Ces poèmes, qui conservaient les traits mémorables des annales de chaque nation germanique, les exploits des grandes familles, les expéditions de leurs braves, leurs voyages et leurs découvertes sur terre et sur mer (2)[2], tout enfin ce qui était digne d’être chanté, n’étaient pas seulement écoutés dans le cercle de l’odel, ni même de la tribu où ils avaient pris naissance et qu’ils célébraient. Suivant qu’ils avaient un mérite supérieur, ils circulaient de peuple à peuple, passant des forêts de la Norwège aux marais du Danube, apprenant aux Frisons, aux riverains du Weser les triomphes obtenus par les Amalungs sur les bords des fleuves de la Russie, et répandant chez les Bavarois et les Saxons les faits d’armes du Longobard Alboin dans les régions lointaines de l’Italie (3)[3]. L’intérêt que l’Arian Germain prenait à ces productions était tel, que souvent une nation demandait à une autre de lui prêter ses poètes et lui envoyait les siens. L’opinion voulait même rigoureusement


(1) Wackernagel, Geschichte, d. d. Litleratur, p. 8 et seqq. — L’allitération cesse d’être en usage en Allemagne au IXe siècle. On la trouve dans les généalogies gothiques, vandales, burgondes, longobardes, Trankes, anglo-saxonnes, dans les anciennes formules juridiques, dans quelques recettes d’incantation. C’est un mode d’harmonie poétique on ne peut plus ancien chez la race blanche ; les noms des trois éponymes Ingœvo, Irmino et Istaewo, cités par Tacite, sont allitérés. Il ne serait pas impossible d’en trouver des vestiges dans les généalogies bibliques.

(2) Les Goths avaient des poèmes qui chantaient leur premier départ de l’île de Scanzia et les hauts faits des ancêtres de leurs chefs, les annales Ethrpamara, Hanala, Fridigern, Vidicula ou Vidicoja. (W. Muller, ouvr. cité, p. 297.)

(3) M. Amédée Thierry a éloquemment et exactement décrit cette ubiquité des poèmes germaniques et, par suite, des grandes actions qui y étaient consacrées. (Revue des Deux-Mondes, 1er déc. 1852, p. 844-845, 883. — Munch, ouvr. cité, p. 43-44.)


  1. (1) Wackernagel, Geschichte, d. d. Litleratur, p. 8 et seqq. — L’allitération cesse d’être en usage en Allemagne au IXe siècle. On la trouve dans les généalogies gothiques, vandales, burgondes, longobardes, Trankes, anglo-saxonnes, dans les anciennes formules juridiques, dans quelques recettes d’incantation. C’est un mode d’harmonie poétique on ne peut plus ancien chez la race blanche ; les noms des trois éponymes Ingœvo, Irmino et Istaewo, cités par Tacite, sont allitérés. Il ne serait pas impossible d’en trouver des vestiges dans les généalogies bibliques.
  2. (2) Les Goths avaient des poèmes qui chantaient leur premier départ de l’île de Scanzia et les hauts faits des ancêtres de leurs chefs, les annales Ethrpamara, Hanala, Fridigern, Vidicula ou Vidicoja. (W. Muller, ouvr. cité, p. 297.)
  3. (3) M. Amédée Thierry a éloquemment et exactement décrit cette ubiquité des poèmes germaniques et, par suite, des grandes actions qui y étaient consacrées. (Revue des Deux-Mondes, 1er déc. 1852, p. 844-845, 883. — Munch, ouvr. cité, p. 43-44.)