Page:Gobineau Essai inegalite races 1884 Vol 2.djvu/455

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

disjonctive que les nations énervées du monde romain n’avaient pas possédée. L’époque finissait où les barbares n’avaient pu et dû voir dans le fonds ethnique régi par eux qu’une masse opposée à leur masse. Mêlés désormais à elle, ils avaient acquis un autre point de vue : ils n’étaient plus frappés que par des dissemblances toutes nouvelles, scindant l’ensemble des multitudes dont eux-mêmes se trouvaient désormais faire partie. Ce fut donc au moment même où la romanité croyait avoir conquis la barbarie qu’elle éprouva précisément les effets les plus graves de l’accession germanique. Jusqu’à Charlemagne, elle avait gardé tous les dehors en même temps que la réalité de la vie. Après lui, la forme matérielle cessa d’exister, et, bien que son esprit n’ait pas plus disparu du monde que l’esprit assyrien et l’esprit hellénistique, elle entra dans une phase comparable aux épreuves du rajeunissement d’Eson.

Quoi qu’il en soit, je le répète, son esprit ne périt pas. Ce génie, qui représentait la somme de tous les débris ethniques jusqu’alors amalgamés, résista, et, pendant le temps où il resta contraint de surseoir à des manifestations extérieures bien évidentes, il maintint au moins sa place par un moyen qui ne laisse pas que d’être digne d’avoir ici sa mention. Ce fut un phénomène tout opposé à celui qui avait eu lieu entre l’époque d’Odoacre et celle du fils de Pépin. Pendant cette période, l’empire avait subsisté sans l’empereur  ; ici l’empereur subsista sans l’empire. Sa dignité, se rattachant tant bien que mal à la majesté romaine, s’efforça pendant plusieurs siècles de lui conserver une apparence de continuateur et d’héritier. Ce furent encore les populations germaniques qui, déployant en cette rencontre l’instinct, le goût obstiné de la conservation qui leur est naturel, donnèrent un nouvel exemple de cette logique et de cette ténacité que leurs frères de l’Inde n’ont pas possédée à un degré plus haut, bien qu’en l’appliquant d’une autre manière.

Il nous reste maintenant à voir pratiquer les vertus typiques de la race par les derniers rameaux arians que la Scandinavie envoya vers le sud : ce furent les Normands et les Anglo-Saxons.