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les nouvelles connaissances qu’ils voulaient propager. Pendant ce temps, les écoles de Paris attiraient tout ce qu’il y avait de par le monde d’hommes savants et d’esprits studieux. Ainsi les âges féodaux furent spécialement pour la France d’au delà de la Seine une période de gloire et de grandeur morale, que n’obscurcirent nullement les difficultés ethniques dont elle était travaillée (1)[1].

Mais l’extension du royaume des premiers Valois vers le sud, en augmentant dans une proportion considérable l’action de l’élément gallo-romain, avait préparé et commença, avec le XIVe siècle, la grande bataille qui, sous le couvert des guerres anglaises, fut de nouveau livrée aux éléments germanisés (2)[2]. La législation féodale, alourdissant de plus en plus les obligations

(1) Au XIIIe siècle, on exigeait d’un chevalier accompli les mêmes perfections intellectuelles que les Scandinaves imposaient jadis à leurs jarls. Il devait surtout connaître plusieurs langues et les poésies qui les illustraient. Guillaume de Nevers parlait avec une égale facilité le bourguignon, le français, le flamand et le breton. En Allemagne, on faisait venir des maîtres de France pour instruire les enfants nobles dans la langue qu’ils ne devaient pas ignorer. Les vers suivants de Berthe aux grands piés confirment cet usage :

  « Tout droit a celui tems que je ci vous décris
Avoit une coutume ans el Tyois païs
Que tout li grant seignor, li conte et li marchis
Avoient, entour aus, gent françoise tous-dis
Pour aprendre françois leurs filles et leurs fils,
Li rois et la royne et Berte o le cler vis
Savent près d’aussi bien le françois de Paris
Com se il fussent nés el bour à Saint-Denis »

« ... François savoit Aliste...
      C’est la fille à la Serve »

(Paulin Pâris, li Romans de Berte aux grans piés, Paris, 1836, in-12, p. 10.)

(2) La fusion du sud et du nord de la France fut assurée par le mélange ethnique qui eut lieu après la guerre des Albigeois. Dans un parlement tenu à Pamiers en 1212, Simon de Monfort fit décider que les veuves et les filles héritières de fiefs nobles, dans les provinces vaincues, ne pourraient épouser que des Français pendant les dix années qui allaient suivre. De là, transplantation d’un grand nombre de familles picardes, champenoises, tourangelles en Languedoc, et extinction de beaucoup de vieilles maisons gothiques.


  1. (1) Au XIIIe siècle, on exigeait d’un chevalier accompli les mêmes perfections intellectuelles que les Scandinaves imposaient jadis à leurs jarls. Il devait surtout connaître plusieurs langues et les poésies qui les illustraient. Guillaume de Nevers parlait avec une égale facilité le bourguignon, le français, le flamand et le breton. En Allemagne, on faisait venir des maîtres de France pour instruire les enfants nobles dans la langue qu’ils ne devaient pas ignorer. Les vers suivants de Berthe aux grands piés confirment cet usage :

      « Tout droit a celui tems que je ci vous décris
    Avoit une coutume ans el Tyois païs
    Que tout li grant seignor, li conte et li marchis
    Avoient, entour aus, gent françoise tous-dis
    Pour aprendre françois leurs filles et leurs fils,
    Li rois et la royne et Berte o le cler vis
    Savent près d’aussi bien le françois de Paris
    Com se il fussent nés el bour à Saint-Denis »

    « ... François savoit Aliste...
          C’est la fille à la Serve »

    (Paulin Pâris, li Romans de Berte aux grans piés, Paris, 1836, in-12, p. 10.)

  2. (2) La fusion du sud et du nord de la France fut assurée par le mélange ethnique qui eut lieu après la guerre des Albigeois. Dans un parlement tenu à Pamiers en 1212, Simon de Monfort fit décider que les veuves et les filles héritières de fiefs nobles, dans les provinces vaincues, ne pourraient épouser que des Français pendant les dix années qui allaient suivre. De là, transplantation d’un grand nombre de familles picardes, champenoises, tourangelles en Languedoc, et extinction de beaucoup de vieilles maisons gothiques.