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Page:Godard d’Aucour - Thémidore, 1908.djvu/105

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conversation aux convives qui se trouvèrent ce jour-là chez mon père. Chacun en dit son mot ; quelques douairières ne m’épargnèrent pas, surtout une certaine dame de Dorigny à qui j’avais autrefois conté mes raisons, et qui, par scrupule, avait refusé de m’entendre. Les femmes sont plaisantes : elles sont choquées de ce que l’on obtient d’une autre femme ce qu’on leur a demandé à elles-mêmes, et qu’elles ont toujours refusé. Je me vengeai de toutes par la fuite et d’une façon très plaisante, comme vous verrez. Au sortir de table, quelques amis vinrent me visiter. Visites qui ne se font jamais que par curiosité ou par méchanceté : on veut- savoir l’histoire d’un homme de sa bouche, ou bien jouir du spectacle de sa misère ; aussi je reçus assez impoliment tous les compliments. Mon père, étant aussi venu avec les autres, sortit fort à propos dans le temps que ma fureur contre lui allait m’emporter au delà des bornes du respect.

On me laissa seul. Dans le transport où j’étais, je résolus de faire quelque coup d’éclat qui désespéra mon père. Je ne m’embarrassais pas de mon honneur, si je pouvais lui faire de la peine. J’étais outré de ce que je n’avais pas le cœur méchant. Le sort m’offrit ce que je désirais, me sauva du hasard d’un coup d’éclat, et fut cause que j’eus un plaisir d’autant plus singulier qu’il se trouva rempli à titre de vengeance. Voici le fait, cher marquis, je serai plus long à le raconter que je n’ai été à l’expédier. C’est un impromptu de cabinet.

Depuis quelque temps, j’étais à ma fenêtre, lorsque je vis un fiacre s’arrêter à notre porte. Pour le coup, marquis, celui-ci ne me porta pas malheur, au contraire il m’apportait une bonne fortune. Depuis que le n° 71 a été cause de ma disgrâce, je n’aperçois point de semblable voiture