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Page:Godard d’Aucour - Thémidore, 1908.djvu/106

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sans en examiner la lettre et le numéro. Aussi me souviens-je de la marque de celui-ci à merveille. Il était au n° 1 et à la lettre B; si j’eusse pensé à examiner cette espèce d 'emblème, j’aurais trouvé qu’elle me pronostiquait mon aventure. La connaissance des Fiacres serait une chose qui devrait être éclaircie par l’Académie des sciences, et un bon traité sur cette matière serait aussi utile que celui qu’a fait Mathieu Lansberg sur celle des temps. La matière au moins est aussi sujette à conjectures.

Le laquais qui était derrière le carrosse, après s’être informé au suisse si mon père y était, avait donné le bras à une dame vêtue de noir ; à cet habillement, je devinais sans peine que c’était une solliciteuse. La curiosité me prit de savoir qui elle était, ce qu’elle demandait, et surtout si elle était jolie. Mon chagrin n’avait pas entièrement fermé mon cœur à l’amour du plaisir. On l’avait conduite dans la salle de compagnie sur l’air de distinction qu’elle avait. Là elle attendit l’audience de mon père. Je descendis par un escalier dérobé, en robe de taffetas, en bonnet de nuit et en pantoufles, et, m’étant introduit doucement dans le cabinet qui a vue sur la salle, je considérai au travers de la porte vitrée les agréments de la solliciteuse ; elle en avait. C’était une femme de vingt-six à vingt-huit ans, ni grande ni petite, des yeux assez éveillés, de belles dents, un teint un peu brun, une gorge passable, un ensemble de physionomie capable d’animer, sa jambe dans sa façon n’était pas indifférente ; elle était dans le sofa étendue négligemment, et dans ces attitudes que l’on croit indifférentes, qui le sont rarement, et qui n’ont pas été inventées par la modestie. Elle se considérait dans les glaces, et répétait devant elles les grâces