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Page:Godard d’Aucour - Thémidore, 1908.djvu/79

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une critique approchant de la satire. Elle en vint à me confesser que vis-à-vis de moi en telle situation, si sa faiblesse ne pliait pas, l’espoir certain du plaisir déterminerait son obéissance, la gloire d’être inexorable ne valant pas la joie intérieure que l’on goute à ne la pas être. Elle embellit cette morale en fille qui en espérait du fruit. Cependant elle s’était approchée de moi, et, en regardant mon ajustement, serrez, monsieur, dit-elle, ce que j’entrevois là-dessous, vous m’exposez là une tentation et à une tentation ; et en voulant elle-même écarter cette tentation, elle en fit naitre en moi pour elle une des mieux conditionnées. De degrés en degrés, Mlle de Noirville me mit hors de moi-même. Je prends feu aisément : la moindre étincelle embrase une matière combustible, et l’embrasement consume indifféremment tout ce qui se trouve à son passage. Bref, Mlle de Noirville remplit la place de Rozette, en tint presque lieu chez moi dans des embrassements que serrait la passion, je ne songeai qu’au sacrifice, et peu à la divinité ; ce que j’éprouvai, c’est qu’à quelque dieu de l’univers que l’on adresse ses vœux, il y a une satisfaction sensible à mettre des présents sur un autel.

Rozette rentra alors et Mlle de Noirville que j’ai connue depuis, qui était venue là comme une machine, s’en retourna de même. La plaisante figure que celle que je faisais alors en présence de Rozette ! Elle savait ce qui était arrivé, et elle avait d’avance calculé cette éclipse. Elle était à un coin de la chambre, et moi à l’autre. Nous n’osions nous approcher. Qu’étaient devenus ces moments où nous nous serions si volontiers confondus ensemble ? Elle me fit mille reproches ; mais avec cet air sévère et gracieux et de ce ton insinuant qui vous peint votre faute sans vous la nommer : elle m’offrait à penser, et me prêtait