Aller au contenu

Page:Godard d’Aucour - Thémidore, 1908.djvu/81

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

une heure du matin au plus tard. J’espérais effectivement m’y 'rendre. Ne comptons jamais sur l’avenir. Les domestiques partis, je monte dans un fiacre. Je ne sais pourquoi le coquin, qui était cependant sur la place, ne voulait point marcher : je fus obligé d’en venir à des extrémités. Il me servit enfin. Il était marqué au n° 71, et à la lettre X.

Vous verrez, cher marquis, que ce numéro va jouer un grand rôle, ainsi ne soyez pas étonné que je m’en souvienne si bien.

En passant par devant un café, ce nombre impair fit perdre une grosse somme à des particuliers qui jouaient à pair et non sur le chiffre du premier fiacre qui passerait. Avant que le fiacre fut à portée de laisser voir son numéro, on eut celle de considérer celui qui était dedans. Les perdants et les gagnants se ressouvinrent du chiffre et de la lettre, et n’oublièrent pas celui qui était dans la voiture. Ainsi, cher marquis, les évènements de la vie dépendent d’une circonstance à laquelle on n’a jamais pensé, et qu’il est impossible au plus fin de prévoir.

J’arrivai chez Rozette qui commençait à s’impatienter de mon délai. Elle me reçut avec empressement, soit qu’elle eût pris de l’amitié pour moi, soit que ma libéralité lui eût plu, elle se préparait à une généreuse reconnaissance. Elle m’obligea de mettre la robe de chambre que j’avais fait porter chez elle, et voulut que je me misse à mon aise, étant dans le pays de la liberté. Elle s’était coiffée de nuit, et sa garniture de dentelles en pressant un peu ses joues faisait un office qui lui donnait de belles couleurs. Un mouchoir politique couvrait sa gorge, mais il était placé d’un air qui demandait qu’on ne le laissât pas à sa place. Elle n’avait qu’un corset de taffetas blanc et un jupon de même étoffe et de pareille couleur, sa