Page:Godwin - Caleb Williams, II (trad. Pichot).djvu/96

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Qui est là ? Sur la réponse qui fut faite de notre côté, j’entendis aussitôt tirer deux verrous, et après plusieurs tours de clef, la porte s’ouvrit et nous entrâmes. L’intérieur du logement ne répondait guère à l’air d’aisance de mon protecteur ; au contraire, on y remarquait un air de dénûment, de négligence et de malpropreté. La seule personne que j’y vis était une femme un peu sur l’âge, dont l’extérieur avait je ne sais quoi d’extraordinaire et de repoussant. Elle avait les yeux d’un rouge couleur de sang ; une chevelure en désordre lui pendait sur les épaules ; son teint était basané et sa peau sèche comme du parchemin ; malgré sa maigreur, son corps semblait très-robuste, et ses bras surtout laissaient voir des muscles saillants. Rien de doux ni d’humain ne tempérait la rudesse de ses traits ; son sang paraissait continuellement allumé par une férocité sauvage, toute sa figure respirait la haine et la méchanceté, et on y lisait un besoin insatiable de mal faire. Cette infernale Thalestris n’eut pas plutôt jeté les yeux sur nous, qu’elle s’écria d’une voix chagrine et discordante :

« Que nous amenez-vous donc là ? ce n’est pas là un de nos gens. »

Sans répondre à son apostrophe, mon conducteur lui ordonna de pousser un mauvais fauteuil qui était dans un coin de la chambre et de le placer devant le feu. Elle obéit avec répugnance et en murmurant :

« Ah ! ah ! voilà de vos tours ! Je voudrais bien savoir si des gens comme nous ont des charités à faire ! Ce sera notre perte à tous, vous le verrez…