rais-je jamais vous rendre tout ce que vous m’avez fait souffrir ? Et qui êtes-vous, Émilie ? Vingt vies comme la vôtre peuvent-elles payer une heure de tourments de la mienne ? Quand vous seriez vingt ans de suite à endurer toutes les tortures des martyrs, vous ne sentiriez pas ce que j’ai senti. Mais je suis votre ami. Je vois le chemin que vous prenez, et je suis déterminé à vous sauver des mains de ce suborneur, de cet hypocrite scélérat qui a conjuré notre perte à tous. Plus on laisse le mal à lui-même, plus il devient incurable, et je veux vous arracher sur-le-champ au danger dont vous êtes menacée. »
Cette sombre et violente explication fit naître de nouvelles idées dans l’esprit de la sensible miss Melville. Jamais M. Tyrrel n’avait dévoilé jusqu’à ce point les agitations de son âme ; mais les tempêtes auxquelles il était en proie ne l’avaient plus laissé maître de lui-même. Elle découvrit avec surprise qu’il était l’ennemi mortel de Falkland, de ce Falkland qu’il lui semblait qu’on ne pouvait connaître sans l’admirer ; elle découvrit aussi qu’il gardait contre elle, au fond du cœur, un amer ressentiment. Les féroces passions de son cousin lui inspirèrent un mouvement d’horreur et d’effroi qu’elle ne pouvait expliquer, et elle comprit qu’elle n’avait plus rien à espérer de ce caractère implacable. Mais ce mouvement fut en elle un prélude de courage et non de lâcheté.
« Non, monsieur, répliqua-t-elle, non, je ne chercherai jamais à vous déplaire ; j’ai été accoutumée à vous obéir, et je vous obéirai toujours en tout ce qui