Page:Godwin - Caleb Williams, I (trad. Pichot).djvu/107

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sera raisonnable ; mais vous me poussez un peu trop loin : que voulez-vous me dire de M. Falkland ? Ai-je jamais rien fait qui puisse autoriser vos odieux soupçons ? Je suis innocente et je le serai toujours. M. Grimes est bon pour trouver des femmes qui lui conviennent ; mais, à moi, il ne me convient pas, et il n’y a pas de torture dans le monde qui puisse me forcer à devenir sa femme. »

Ce ton ferme et décidé d’Émilie ne surprit pas peu M. Tyrrel. Il avait compté avec trop de confiance sur la timidité ordinaire du caractère de cette aimable personne. Il chercha alors à adoucir un peu la dureté de ses premières expressions.

« Dieu me damne, qu’est-ce que cela veut dire ? Pouvez-vous bien vous emporter ainsi avec moi ? Est-ce que vous croyez mener tout le monde à votre fantaisie, et me faire faire vos volontés, plutôt que de vous en rapporter à ma bienveillance pour vous ?… Mais vous connaissez mes intentions, Émilie ! J’insiste sur ce que vous receviez Grimes, que vous l’écoutiez de bonne grâce, et que vous mettiez de côté avec lui tous vos grands airs et vos petites finesses : m’entendez-vous ? Voulez-vous faire ce que je dis ? Mais si vous persistez encore dans votre humeur opiniâtre, eh bien, nous verrons ; il faut une fin à tout. Ne croyez pas que personne se soucie de vous épouser malgré vous. Vous n’êtes pas un morceau si rare, je vous en réponds. Si vous entendiez bien vos intérêts, vous vous trouveriez fort heureuse d’accepter ce jeune homme pendant qu’il veut bien de vous. »