Page:Godwin - Caleb Williams, I (trad. Pichot).djvu/108

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Miss Melville entrevit avec grand plaisir, dans ces dernières paroles de son cousin, un terme assez prochain à la persécution qu’elle endurait. Mrs. Jakeman, à qui elle en fit part, la félicita de ce que M. Tyrrel paraissait revenir à des sentiments plus sages et plus modérés, et elle se sut à elle-même bon gré d’avoir conseillé une démarche dont l’issue était aussi heureuse. Mais leurs félicitations mutuelles ne furent pas de longue durée ; M. Tyrrel annonça à Mrs. Jakeman qu’il était dans la nécessité de l’envoyer quelque part pour une affaire qui la retiendrait quelques semaines ; et, quoique ce message n’eût rien en apparence d’artificieux ou de suspect, cependant une séparation si fort à contre-temps fut d’un augure sinistre pour les deux amies. Mrs. Jakeman, toutefois, exhorta sa pupille à tenir bon, lui rappela la disposition où son cousin avait paru être de revenir sur ses résolutions, et elle l’encouragea à tout espérer du courage et du bon esprit dont elle était pourvue. De son côté, Émilie, quoique très-peinée de l’absence de sa chère protectrice, dont les conseils lui étaient si nécessaires dans une pareille crise, ne pouvait pas cependant supposer assez de malice et de duplicité dans le cœur de M. Tyrrel pour concevoir de justes sujets d’alarme. Elle se flatta d’être bientôt délivrée d’une aussi cruelle persécution, et l’heureuse conclusion qu’avait eue la première affaire sérieuse de sa vie, lui parut l’assurance d’un succès complet pour l’avenir. Cette alternative d’alarmes et d’énergie fit bientôt place aux douces rêveries attachées à l’idée