Page:Godwin - Caleb Williams, I (trad. Pichot).djvu/152

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X


On n’aura pas de peine à croire que la mauvaise humeur de M. Tyrrel, aigrie par la lutte avec Hawkins et l’animosité toujours croissante entre M. Falkland et lui ne firent qu’ajouter à son impatiente irritation quand il apprit l’évasion d’Émilie.

M. Tyrrel ne pouvait s’expliquer l’avortement d’un stratagème dont le succès ne lui avait pas paru douteux un seul moment. Sa vexation devint une véritable fureur. Grimes n’avait pas osé venir lui raconter en personne l’issue de son expédition, et le domestique qu’il pria d’aller annoncer à son maître que miss Émilie était perdue pour eux, s’enfuit en toute hâte, effrayé de l’exaspération dont il fut témoin. M. Tyrrel cria qu’il voulait qu’on lui amenât Grimes, et le jeune homme parut enfin devant lui plus mort que vif. M. Tyrrel le força de répéter tous les détails de son aventure, et, à peine eut-il terminé qu’il s’esquiva aussi, accablé des exécrations qui lui furent prodiguées. Grimes n’était pas un poltron, mais il respectait cette espèce de culte que les hommes ont pour le rang et les richesses, comme les Indiens adorent le diable. Ce ne fut pas tout. La rage de M. Tyrrel devint si ingouvernable et si terrible, qu’il se serait trouvé peu de cœurs assez fermes pour ne pas trembler devant lui avec un sentiment d’infériorité reconnue.