Aller au contenu

Page:Godwin - Caleb Williams, I (trad. Pichot).djvu/180

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

l’aspect des hommes !… Vois quelle pitoyable figure tu fais en ce moment ! Si les cris de ta propre conscience ne se joignaient pas aux reproches qu’on t’adresse, y aurait-il rien qui pût faire reculer un misérable aussi endurci que toi dans le crime, et serais-tu assez insensé pour croire que ton audace et ton obstination pourront jamais amortir les reproches de ta conscience ? Va-t’en, va te faire peur à toi-même, et ne reparais jamais devant mes yeux. »

À ces mots, qui le croirait ? M. Tyrrel obéit à la voix impérieuse qui tonnait contre lui. Ses yeux étaient effarés et pleins d’horreur ; un tremblement convulsif s’était emparé de tous ses membres et avait glacé sa langue. Il ne se sentait pas la force de braver ce torrent impétueux de reproches et d’invectives. Il hésitait ; il était honteux de sa défaite ; il aurait voulu résister, mais tous ses efforts étaient vains ; ses forces expiraient à chaque nouvelle tentative. La voix générale s’éleva bientôt pour aider à l’accabler. Plus sa confusion devenait sensible, plus le cri universel d’indignation augmentait, jusqu’à ce que, par degrés, il vînt à croître comme le bruit d’une mer orageuse. À la fin, hors d’état d’endurer plus longtemps le tourment de sa situation, M. Tyrrel se retira de lui-même.

Mais une heure et demie après on le vit reparaître : on n’avait pris aucune précaution contre un pareil incident, qui était la chose du monde à laquelle on s’attendît le moins. Dans l’intervalle il s’était enivré d’eau-de-vie. En un clin d’œil il fut sur M. Falkland, qui était debout dans un des coins