Page:Godwin - Caleb Williams, I (trad. Pichot).djvu/61

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quille. En faisant de ceci une querelle, nous ne ferions qu’imiter le commun des hommes, qui, à notre place, vraisemblablement en viendrait bientôt là ; mais faisons mieux : montrons que nous avons assez d’élévation dans l’âme pour mépriser de petits sujets de mésintelligence. En nous rendant ainsi justice, nous en retirerons une gloire bien plus solide et plus vraie. En adoptant une conduite contraire nous en serons nous-mêmes les victimes, et nous nous donnerons en spectacle à nos connaissances.

— Vous croyez cela ? Peut-être y a-t-il là quelque chose de vrai ; mais, pour ma part, Dieu me damne, si je consens à être jamais le jouet d’aucun homme au monde.

— Vous avez raison, monsieur Tyrrel ; conduisons-nous donc chacun de la manière la plus propre à nous faire respecter. Ni vous ni moi n’avons envie de changer la carrière que nous nous sommes faite ; poursuivons donc notre route l’un et l’autre sans nous contrarier respectivement ; que ce soit là notre traité, et, par une condescendance réciproque, arrivons à nous donner mutuellement la paix. »

En disant ceci, M. Falkland lui tendit la main en signe de concorde ; mais ce geste était trop significatif : le farouche Tyrrel, qui semblait un peu ébranlé par ce qui avait précédé, se sentant alors pris comme par surprise, recula quelques pas. M. Falkland, à ce nouveau trait de rudesse, fut sur le point de prendre feu, mais il eut la force de se contenir.

« Je ne comprends rien à tout ceci ! s’écria