Page:Godwin - Caleb Williams, I (trad. Pichot).djvu/68

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naissais pas tout le danger, sans quoi je me serais conduit avec plus de circonspection. »

M. Falkland, une fois établi dans l’appartement de son ami, ne voulut plus absolument en désemparer. M. Clare pensa qu’il y avait peut-être moins de risque dans ce parti que dans un changement continuel d’air, et il n’insista plus. « M. Falkland, dit-il, quand vous êtes entré, j’achevais mon testament. Ce que j’avais écrit autrefois sur mes dernières volontés ne me convenait pas, et je ne me souciais guère, dans ma situation, de faire appeler un légiste. Dans le fait, il serait bien étrange qu’un homme de sens, avec des intentions pures et droites, ne fût pas en état de remplir cette fonction par lui-même. »

M. Clare continua à agir avec autant d’aisance et de liberté que s’il eût été dans la plus parfaite santé. À voir son maintien assuré et son ton calme et enjoué, on n’aurait jamais imaginé qu’il touchât à son dernier moment. Il marchait, il raisonnait, il badinait d’une manière qui annonçait un homme parfaitement maître de soi ; mais de quart d’heure en quart d’heure sa figure s’altérait d’une manière sensible. M. Falkland ne le perdait pas un instant de vue, et le contemplait avec une inquiétude mêlée d’admiration.

« Falkland, dit le malade après avoir paru, quelques minutes absorbé dans ses pensées, je sens que je vais mourir ; c’est un étrange mal que le mien. Hier je paraissais être en parfaite santé, et demain je serai un corps insensible. Que la ligne qui sépare