Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome I.djvu/35

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le verre où elle a bu, et à mes baisers demi-furtifs ouvre son sein, d’ordinaire voilé.

Et si, dans une heure d’épanchement paisible, elle cause avec moi d’amour, je ne demande que les paroles de sa bouche, les paroles, je ne demande pas les baisers. Comme l’esprit qui l’anime l’entoure d’un charme toujours nouveau ! Elle est parfaite et n’a qu’une faiblesse, c’est de m’aimer.

Le respect m’entraîne à ses pieds ; le désir sur son cœur. Ô jeune homme, voilà ce qui s’appelle jouir. Sois sage et cherche ces délices. La mort un jour t’élèvera loin d’elle, parmi les chœurs des anges, dans la joie du paradis, et tu ne sentiras point le passage.

L’adieu[1].

Laisse mon œil te dire l’adieu que ma bouche ne saurait prononcer ! Qu’il est pénible, pénible à souffrir ! Et pourtant, d’ordinaire, je suis homme !

Il est triste, à cette heure, le gage même le plus doux de l’amour ; il est froid, le baiser de ta bouche ; elle est languissante, l’étreinte de ta main.

Autrefois, oh ! que j’étais ravi, quand mes lèvres, par un larcin facile, effleuraient seulement les tiennes ! Ainsi nous charme une violette, cueillie aux premiers jours de mars.

Mais je ne cueillerai plus de couronnes, plus de roses pour toi. Voici le printemps, Françoise chérie : hélas ! c’est l’automne pour moi.

La belle nuit

Je quitte la cabane, asile de ma bien-aimée ; je chemine, à pas mystérieux, dans le bois désert et sombre ; la lune perce à travers les chênes et les buissons ; les zéphyrs annoncent sa course, et les bouleaux, qui s’inclinent, lui versent le plus doux encens.

Que je trouve de charme à la fraîcheur de cette belle nuit d’été ! Oh ! dans ce lieu, quel silence, pour sentir ce qui rend l’âme heureuse ! Cette volupté se peut concevoir à peine, et cependant, ô ciel, je te tiendrais quitte de mille nuits pareilles, pour une que me donnerait mon amie.

  1. Avant cette pièce, il s’en trouve une, intitulée le Berger, qui figure dans Jéry et Baetely. Voy. t. II, p. 109.