Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome I.djvu/570

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gimbements ils me sont arrachés par le tondeur qui me tiraille.

Qui me défendra de chanter vers le ciel selon mon plaisir, de confier aux nuages comme elle m’a charmé ?

Mystère.

Tout le monde s’étonne, à voir ma bien-aimée jouer de la prunelle : moi, qui suis dans le secret, je sais fort bien ce que cela veut dire.

Car cela signifie : « J’aime celui-ci et non pas celui-là ni cet autre encore. » Bonnes gens, laissez là vos étonnements, vos désirs.

Oui, avec un merveilleux pouvoir, elle regarde à la ronde, mais c’est seulement qu’elle tâche d’annoncer à son ami l’heure prochaine d’amour.

Profond mystère.

« Nous autres quêteurs d’anecdotes, nous recherchons avec empressement qui est ta bien-aimée, et si tu n’as pas beaucoup de rivaux heureux.

« Car nous voyons bien que tu es amoureux et nous en sommes charmés pour toi ; mais que la belle t’aime pareillement, nous ne pouvons le croire. »

Mes amis, cherchez-la tout à votre aise. Écoutez un mot seulement : vous tremblez quand elle est présente ; qu’elle se retire et vous caressez son image.

Si vous savez comme Schehâb-Eddin se dépouilla de son manteau sur l’Arafat[1], vous ne jugerez pas insensés ceux qui agissent dans le même esprit.

Si jamais ton nom est prononcé devant le trône de ton roi ou devant ta bien-aimée, que ce soit à tes yeux ta suprême récompense.

C’est pourquoi ce fut la suprême douleur, quand, un jour, Medschnoun mourant défendit que son nom fût jamais prononcé devant Leila.

  1. Montagne voisine de la Mecque. Schehâb-Eddin ôta son manteau pour prier, suivant l’usage des Persans. (Chardin, VII, 225, 260.)