Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome I.djvu/569

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toi par amour ! Cela ne saurait me charmer : elle est savante en flatteries.

Le poëte. Il me suffit de la posséder ! Et voici mon excuse : l’amour est un don volontaire, la flatterie, un hommage.

Salut.

Oh ! combien je fus heureux !… Je me promène dans la campagne ; Houdhoud[1] sautille dans le chemin. Je cherchais dans les pierres des coquilles pétrifiées de l’antique mer. Houdhoud accourut fièrement, déployant sa couronne ; elle se pavanait, d’un air moqueur : c’était le vivant se raillant du mort. « Houdhoud, lui dis-je, en vérité tu es un bel oiseau ! Huppe, va promptement, va dire à ma bien-aimée que je lui appartiens pour jamais. Tu fus bien aussi autrefois messagère d’amour entre Salomon et la reine de Saba ! »

Houdhoud me dit : « D’un seul regard elle m’a confié tout le mystère, et je suis toujours, comme je l’étais, ravie de votre bonheur. Aimez ! aimez !… Durant les nuits de veuvage, voyez comme il est écrit dans les étoiles que votre amour, associé aux puissances éternelles, subsiste glorieux. »

Houdhoud, sur les branches du palmier, ici à l’écart est nichée, lançant des œillades, objet charmant ! et toujours elle veille.

Résignation.

Tu dépéris, toi, si bienveillant ! Tu te consumes, toi qui chantes si bien !

Le poëte. L’amour me traite en ennemi. Oui, je l’avoue, je chante, le cœur oppressé. Mais vois les cierges : ils éclairent en se consumant.

La douleur d’amour cherchait un lieu qui fût sauvage et solitaire : elle trouva le désert de mon cœur et se logea dans la place vide.

Inévitable.

Qui peut commander à l’oiseau de se taire dans la campagne ? Et qui peut défendre au mouton de se débattre sous les ciseaux ?

Me voit-on regimber quand ma laine frise ? Non, ces re-

  1. Nom persan de la huppe.