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DIVAN. 559

porte de toutes leurs forces, et que les gens étroits, les esprits bornés, nous mettaient trop volontiers sous le joug ;

Je me suis déclaré indépendant des fous et des sages : ceux-ci demeurent tranquilles ; ceux-là voudraient se déchirer.

Ils imaginent que nous devrions enfin nous unir dans la force et l’amour ; ils me rendent le soleil sombre, et ils ôtent à l’ombre sa fraîcheur.

Hafiz et Ulric Hutten[1] durent s’armer tout de bon contre les frocs bruns et bleus ; les miens sont vêtus comme les autres chrétiens.

« Eh bien, dis-nous les noms de tes ennemis ! » Je ne veux pas que personne les distingue : j’ai déjà bien assez à en souffrir dans la communauté.


Voilà bien cinquante années qu’ils essayent de me contre-faire, de me refondre, de me défigurer. Il me semble que tu pourrais apprendre ce que tu vaux dans les champs de ta patrie. Tu as fait en ton temps des extravagances avec de jeunes fous endiablés, puis insensiblement, d’année en année, tu t’es attaché aux sages d’une douceur divine.


Si tu te reposes sur le bien, je ne t’en blâmerai jamais ; si même tu fais le bien, crois-moi, cela t’ennoblira ; mais as-tu planté ta haie autour de ton bien, je vivrai libre et je vivrai, ma foi, sans être aucunement trompé.

Car les hommes sont bons, et ils resteraient meilleurs, si l’un ne devait pas agir comme l’autre. Voici, en passant, un mot, que ne condamnera personne : Voulons-nous arriver à un même lieu, eh bien, nous allons ensemble.

Bien des obstacles se présenteront à nous çà et là. Dans l’amour, on ne veut jamais d’auxiliaires et de compagnons ; l’argent et l’honneur, on serait charmé d’en avoir pour les dépenser seul, et le vin, ami fidèle, nous brouille à la fin.

Hafiz a parlé aussi sur ces matières ; il s’est cassé la tête, en

  1. Voyez page 385.