Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome II.djvu/126

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PÈRE.

O ciel ! quelle colère ! quel chagrin ! Le scélérat ! Je sens aujourd’hui, pour la première fois, que je n’ai plus, comme au temps passé, de moelle dans les os ; que mon bras est infirme, que mes pieds ne savent plus courir. Attendez-vous-y ! Pas un voisin qui remue ; ils sont tous fâchés contre moi à cause de ma fille. J’appelle, je parle, je raconte : aucun ne veut risquer quelque chose pour me faire plaisir ; même ils se raillent quasi de moi. (Se tournant vers la prairie.) Voyez quelle insolence ! quelle audace ! Comme il se promène en jouant du violon ! La cloison enfoncée, (se tournant vers la maison) les fenêtres brisées ! Il ne lui manque plus que de piller…. Ne viendra-t-il donc pas un voisin ? Je n’aurais pas cru qu’ils m’en voulussent de la sorte. Oui, oui, c’est cela ! Ils regardent, ils prennent des airs moqueurs. Votre fille est assez hardie, dit l’un, laissez-la batailler avec le drôle…^ N’en a-t-elle aucun, crie l’autre, quelle mène par le nez, qui se fasse casser les côtes pour l’amour d’elle ?… Qu’elle attrappe cela pour mon fils, qui a quitté le pays pour ses beaux yeux, dit un troisième…. Inutile !… C’est affreux ! c’est abominable ! Oh ! si Jéry était dans le voisinage ! Lui seul pourrait nous sauver. Bjetely. Elle sort de la cabane, le père va au-devant de sa fille ; elle s’appuie sur lui.

Mon père ! sans soutien ! sans secours !… Cette injure ! Je suis toute hors de moi…. Je n’en crois pas mes yeux, et mon cœur ne peut le supporter. (Jéry paraît. )

LE PÈRE.

Jéry, sois le bienvenu ! sois béni !

JÉRY.

Que se passe-t-il chez vous ? Pourquoi êtes-vous si troublés ?

LE PÈRE.

Un étranger dévaste nos herbages, brise les vitres, met tout sens dessus dessous. Est-il fou ? est-il ivre ? Que sais-je ? que sais-je, moi ? Personne ne peut l’arrêter, personne…. Punis-le ! chasse-le !

JERY.

Restez tranquilles, mes amis, je vais l’empoigner : je vous rendrai le repos ; vous serez vengés.