Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome II.djvu/131

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joué ce tour extravagant : c’était moitié calcul, moitié hasard. Suffit, elle trouve qu’un homme brave est un bon secours. Certainement, elle deviendra sage…. Tu ne voulais pas m’écouter : j’ai dû me mettre en défense. C’est ta propre faute, si je t’ai mis par terre, si je t’ai blessé.



JÉRY.

Va, va, tu ne me persuades pas.

THOMAS.

Vois donc comme tout réussit, comme tout va s’arranger. Elle est corrigée, elle t’estime, elle t’aimera. Mais ne t’endors pas, ne rêve pas ; bats le fer pendant qu’il est chaud.

JÉRY.

Cesse et ne me fatigue pas plus longtemps.

THOMAS.

Il faut pourtant te le dire encore une fois : sois content ! Tu m’es redevable de cela ; toute ta vie tu me seras obligé de ton bonheur. Pouvais-je mieux remplir ta commission ? Et, si la façon a été un peu singulière, nous avons pourtant fini par atteindre le but. Tu peux te réjouir : arrange-toi avec elle. Je reviendrai, vous m’excuserez, et, si cela va bien pour vous, vous louerez même mon coup de tête, mon extravagance.

JÉRY.

Je ne sais que penser.

THOMAS.

Crois-tu donc que, sans aucune raison, j’aurais voulu l’offenser ?

JÉRY.

Frère, c’était une folle idée : comme un tour de soldat, ça peut passer.

THOMAS.

L’important, c’est qu’elle soit ta femme : après quoi, c’est indifférent de savoir comment le courtier s’y est pris. Voici le père : adieu pour un moment. (Il s’éloigne.)

LE PÈRE.

Jéry, quelle singulière aventure est-ce là ? Dois-je l’appeler un malheur ? dois-je l’appeler un bonheur ? Beetely est toute changée ; elle reconnaît ton amour, elle t’estime, elle t’aime, elle pleure à cause de toi. Elle est émue comme je ne la vis jamais.



JÉRY.