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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome II.djvu/195

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parlait beaucoup d’un mariage avec la veuve du seigneur de Walldorf.

GŒTZ.

Bavardages !

GEORGE.

Je le vis comme il la conduisait à table. Elle est belle, par ma foi, elle est belle ! Nous saluâmes tous, elle nous rendit notre salut ; il fit un signe de tête, et paraissait fort joyeux. Ils passèrent, et le peuple disait tout bas : « Quel beau couple ! »

GŒTZ.

Cela peut être.

GEORGE.

Écoutez la suite. Le lendemain, comme il allait à la messe, je pris mon temps. Il était seul avec un page. Je me plaçai auprès de l’escalier, et lui dis doucement : « Deux mots, de la part de votre Berlichingen. » Il fut troublé ; je vis sur son visage l’aveu de son crime ; il eut à peine le cœur de me regarder, moi, mauvais apprenti cavalier.

SELBITZ.

Cela prouve que sa conscience était encore plus mauvaise que ta condition.

GEORGE.

« Tu es Bambergeois ? dit-il. — Je vous apporte les salutations du chevalier Berlichingen, lui dis-je, et je dois vous demander… — Viens demain matin chez moi, reprit-il, nous en dirons davantage. »

GŒTZ.

Y es-tu allé ?

GEORGE.

Certainement, j’y suis allé, et j’ai dû attendre dans l’antichambre longtemps, longtemps. Et les pages vêtus de soie me regardaient par devant et par derrière. Je disais en moi-même : « Regardez… » Enfin on me fit entrer ; il paraissait mécontent : ça m’était égal. Je m’avançai vers lui et fis ma commission. Il prit un air fâché, comme un homme qui n’a point de cœur et ne veut pas qu’on s’en aperçoive. Il s’étonna que vous lui fissiez demander compte par un novice comme moi. Cela me fâcha. Je lui dis qu’il n’y avait que deux sortes de gens, les honnêtes et