Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome II.djvu/197

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moi vous parler un peu des hommes. Qu’êtes-vous donc, vous autres, pour parler d’inconstance, vous qui êtes rarement ce que vous voulez, et jamais ce que vous devriez être ? Rois en ornements de fêtes, enviés de la foule ! Que donnerait la femme d’un tailleur pour avoir autour du cou un fil des perles, cousues au bas de votre manteau, que vos talons repoussent dédaigneusement !

WEISLINGEN.

Vous êtes amère.

ADÉLAÏDE.

C’est l’antistrophe[1] de votre chant. Avant que je vous connusse, Weislingen, il m’est arrivé comme à la femme du tailleur. La renommée aux cent voix, soit dit sans métaphore, vous avait si étrangement préconisé, que je me laissai séduire, et souhaitai que cette quintessence du sexe mâle, ce Weislingen, ce phénix, parût devant mes yeux. Mon souhait fut accompli.

WEISLINGEN.

Et le phénix se trouva être tout simplement un coq domestique.

ADÉLAÏDE.

Non, Weislingen, je pris intérêt à vous.

WEISLINGEN.

Il semblait…

ADÉLAÏDE.

Et c’était vrai ; car, en vérité, vous surpassiez votre renommée. La foule n’apprécie que le reflet du mérite. Mais, comme il est dans mon caractère de ne pouvoir approfondir les personnes auxquelles je veux du bien, nous avons vécu quelque temps près l’un de l’autre ; il me manquait quelque chose, et je ne savais ce que je regrettais de ne pas trouver en vous. Enfin mes yeux s’ouvrirent. Je voyais, au lieu de l’homme actif, qui imprimait la vie aux affaires d’une principauté, qui n’oubliait, à côté de cela, ni lui ni sa renommée, qui sur cent grandes entreprises, comme sur des montagnes entassées, s’était élevé jusqu’aux nues : je voyais tout à coup un

  1. On a conservé le mot du texte allemand : cette expression sent l’époque de la Renaissance.