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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome II.djvu/198

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homme gémissant comme un poëte malade, mélancolique comme une fraiche jeune fille, et plus oisif qu’un vieux garçon. D’abord je l’attribuai à votre malheur, qui, récent encore, vous pesait sur le cœur, et je vous excusais de mon mieux. Mais à présent, que votre état semble empirer de jour en jour, vous devez me pardonner, si je vous retire ma faveur. Vous la possédez sans titre ; je l’avais donnée pour la vie à un autre, qui ne pouvait vous la transmettre.

WEISLINGEN.

Ainsi vous m’abandonnez !

ADÉLAÏDE.

Non pas avant que toute espérance soit perdue. Dans ces circonstances, la solitude est dangereuse… Pauvre malheureux ! Vous êtes aussi découragé qu’un amant à qui sa première maîtresse devient infidèle, et c’est justement pourquoi je ne vous abandonne pas. Donnez-moi la main, et pardonnez-moi ce que l’amour m’a fait dire.

WEISLINGEN.

Si tu pouvais m’aimer, si tu pouvais accorder à mon ardeur brûlante quelque rafraîchissement ! Adélaïde, tes reproches sont souverainement injustes. Si tu pouvais soupçonner la centième partie de ce qui se passe en moi depuis quelque temps, tu ne m’aurais pas si impitoyablement tourmenté par la prévenance, l’indifférence et le mépris… Tu souris !… Pour me remettre d’accord avec moi-même, après ma démarche précipitée, il m’a fallu plus d’un jour. Travailler contre l’homme dont le souvenir a réveillé chez moi une si vive affection !

ADÉLAÏDE.

Homme étrange, qui peux aimer celui que tu envies ! C’est comme si je portais des munitions à mon ennemi.

WEISLINGEN.

Je le sens bien, il n’y a plus à différer. Il est informé que je suis redevenu Weislingen, et il choisira son temps pour nous prendre à son avantage. Et nous ne sommes pas, Adélaïde, aussi négligents que tu l’imagines. Nos cavaliers sont renforcés et sur leurs gardes ; nos négociations se poursuivent, et la diète d’Augsbourg doit, je l’espère, amener nos projets à maturité.