Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome II.djvu/23

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A-t-on lu, dans ce temps-là, un roman langoureux ; comme celui-ci aimait tendrement ; comme celui-là était fidèle ; comme ce héros était sensible ; comme il était grand dans le péril ; comme l’amour doublait ses forces dans le combat…. tout cela nous tourne entièrement la tête ; nous croyons nous retrouver ; nous voulons être malheureuses, nous voulons triompher. Un jeune cœur reçoit bientôt l’impression du roman ; mais un cœur qui aime la reçoit plus aisément encore. Nous aimons longtemps ainsi, jusqu’à ce que nous apprenions enfin qu’au lieu d’être fidèles, nous étions de vraies folles.

AMINE.

Ce n’est pourtant pas mon cas.

ÉGLÉ.

Oui, dans ses transports, un malade dit souvent au médecin : « Je n’ai pas la fièvre. » Le croit-on sur sa parole ? Jamais. Malgré toute sa résistance, on lui donne la potion. C’est ainsi qu’il faut te la donner.

AMINE.

C’est des enfants qu’on parle de la sorte ; à mon sujet, c’est ridicule. Suis-je une enfant ?

ÉGLÉ.

Tu aimes.

AMINE.

Toi aussi.

ÉGLÉ.

Oui, aime comme moi ! Apaise l’orage qui t’a battue jusqu’aujourd’hui ! On peut être fort paisible et néanmoins aimer fort tendrement.

LAMON.

Voici le ruban !

AMINE.

Très-beau !

ÉGLÉ.

Que tu as tardé longtemps !

LAMON.

J’étais allé vers la colline ; là, Chloris m’a appelé. J’ai dû parer son chapeau de fleurs.

ÉGLÉ.