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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome II.djvu/267

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LERSE.

On a procédé par des exécutions inouïes. Metzler a été brûlé vif. On les a roués, empalés, décapités, écartelés, par centaines. Tout le pays d’alentour ressemble à une boucherie, où l’on vend à bon marché la chair humaine.

ÉLISABETH.

Weislingen commissaire ! Ô Dieu ! Un rayon d’espérance ! Il faut que Marie se rende chez lui : il ne peut rien lui refuser. Il eut toujours le cœur tendre, et, lorsqu’il la verra, elle, qu’il a tant aimée, elle, qui est si malheureuse par lui… Où est-elle ?

LERSE.

Encore à l’auberge.

ÉLISABETH.

Conduis-moi près d’elle. Il faut qu’elle parte à l’instant. Je crains tout.

Le château de Weislingen.

WEISLINGEN, seul.

Je suis si malade, si faible… Tous mes os sont desséchés. Une fièvre cruelle en a dévoré la moelle. Point de repos, point de trêve, ni jour ni nuit. Dans un demi-sommeil, des rêves empoisonnés. La nuit dernière, je rencontrai Gœtz dans la forêt. Il tira son épée et me défia. Je voulus saisir la mienne : ma main s’y refusa. Alors il remit la sienne dans le fourreau, me regarda avec mépris, et passa derrière moi… Il est prisonnier et je tremble devant lui. Misérable ! Ta parole l’a condamné à mort, et tu frémis devant son fantôme, comme un malfaiteur !… Et doit-il mourir ?… Gœtz ! Gœtz !… Nous ne sommes pas maîtres de nos actions, nous autres hommes ; nous sommes livrés au pouvoir de mauvais génies, qui exercent pour notre perte leur malice infernale. (Il s’assied.) Faible ! faible !… Comme mes ongles sont bleus !… Une sueur froide, froide, dévorante, paralyse tous mes membres. Tout tourne devant mes yeux. Si je pouvais dormir ! Ah ! (Entre Marie.)

WEISLINGEN.

Jésus, Marie !… Laisse-moi en paix ! Laisse-moi en paix !…