Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome II.djvu/286

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disent, ce n’est pas de la bonne manière ; ce n’est pas à leur manière ; et c’est toujours dangereux : on fait donc mieux de s’en abstenir. Les familiers de l’inquisition font sans bruit la ronde et sont aux aguets ; plus d’un brave homme en a déjà souffert. Il ne manquait plus que de gêner les consciences ! Puisque je n’ose faire ce qu’il me plairait, ils peuvent bien au moins me laisser penser et chanter ce que je veux.

SOEST.

L’inquisition ne prendra pas. Nous ne sommes pas faits, comme les Espagnols, pour laisser tyranniser notre conscience. Et la noblesse doit aussi, tandis qu’on le peut, chercher à lui couper les ailes.

JETTER.

C’est odieux. Si ces bonnes gens prennent fantaisie d’envahir mon logis, que je sois assis à mon travail, et fredonne justement un psaume français, sans penser ni à bien ni à mal, mais parce qu’il est dans mon gosier : me voilà aussitôt hérétique et je suis incarcéré. Ou bien, si je vais par le pays, et que je m’arrête auprès d’une troupe de gens qui écoutent un nouveau prédicateur, un de ceux qui sont venus d’Allemagne, je suis sur-le-champ déclaré rebelle, et cours le danger de perdre la tête…. En avez-vous peut-être entendu prêcher quelqu’un ?

SOEST.

Les braves gens ! Dernièrement, j’en entendis un parler, en rase, campagne, devant mille et mille personnes. C’était une autre cuisine que celle des nôtres, quand ils battent la caisse sur la chaire, et font avaler du latin aux gens, jusqu’à les étouffer. 11 parlait hardiment celui-là ; il disait comme les prêtres nous ont menés jusqu’à présent par le nez ; comme ils nous entretiennent dans l’ignorance, et comme nous pourrions nous éclairer. Et tout cela, il vous le prouvait par la Bible !

JETTER.

Il peut bien y avoir quelque chose là dedans. Je l’ai toujours dit moi-même, et je ruminais l’affaire. Il y a longtemps que cela me tourne dans la tête.