Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome II.djvu/293

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ces emplois ? Un peuple n’aime-t-il pas mieux être gouverné à sa manière, par les siens, que par des étrangers, qui cherchent d’abord à acquérir des possessions dans le pays aux dépens de tous ; qui apportent avec eux une règle étrangère, et commandent sans bienveillance et sans affection ?



LA GOUVERNANTE.

Tu te ranges du côté de nos adversaires.

MACHIAVEL.

Non pas de cœur, assurément, et je voudrais que ma raison pût être entièrement du nôtre.

LA GOUVERNANTE. ’*

S’il fallait t’écouter, j’en serais réduite à leur céder mon gou-. vernement ; car Egmont et Orange se flattaient bien d’occuper cette place. Alors ils étaient rivaux ; maintenant ils sont ligués contre moi ; ils sont devenus amis, amis inséparables.

MACHIAVEL.

Couple dangereux !

LA GOUVERNANTE.

S’il faut parier sincèrement, je crains Orange et je crains pour Egmont. Orange ne médite rien de bon ; ses pensées s’étendent au loin ; il est secret, il semble accepter tout, ne contredit jamais, et, sous le plus profond respect, avec la plus grande prévoyance, il fait ce qu’il lui plaît.

MACHIAVEL.

Egmont, tout au contraire, marche d’un pas libre, comme si le monde lui appartenait.

LA GOUVERNANTE.

Il porte la tête aussi haute que si la main du souverain ne s’étendait pas sur lui.

MACHIAVEL.

Tous les regards du peuple sont dirigés sur lui, et les cœurs lui appartiennent.

LA GOUVERNANTE.

Jamais il n’a évité une apparence, comme si personne n’avait à lui demander compte. Il porte encore le nom d’Egmont ; il aime à s’entendre appeler « comte d’Egmont, » comme s’il craignait d’oublier que ses ancêtres ont possédé la Gueldre. Pourquoi