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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome II.djvu/324

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aux meurtres !… Le soldat voit, il est vrai, d’un - œil tranquille son camarade tomber à ses côtés sur le champ de bataille ; mais le courant des fleuves t’amènera les cadavres des citoyens, des enfants, des jeunes filles, en sorte que tu seras glacé d’horreur,, et que tu ne sauras plus de qui tu défends la cause : car ils auront péri, ceux pour la liberté desquels tu prends les armes. Et qu’éprouveras-tu, quand tu devras te dire en secret : « C’est pour ma sûreté que je les ai prises ? »

ORANGE.

Egmont, nous ne sommes pas de simples particuliers : si notre devoir est de nous immoler pour des milliers d’hommes, notre devoir est aussi de nous épargner pour eux.

’ EGMONT.

Qui s’épargne doit devenir suspect à soi-même.

ORANGE.

. Qui se connaît peut avancer ou reculer avec assurance.

EGMONT.

Le mal que tu redoutes devient certain par ta démarche.

ORANGE.

Il esfrsage et hardi d’aller au-devant d’un mal inévitable.

EGMONT.

Dans un si grand péril, la plus légère espérance est à considérer.

ORANGE.

Nous n’avons plus de place pour le moindre pas : l’abîme est là devant nous.

EGMONT.

La faveur du roi est-elle un terrain si étroit ?

ORANGE.

Non pas si étroit, mais glissant.

EGMONT.

Par Dieu, on lui fait injure. Je ne puis souffrir qu’on pense mal de lui. Il est fils de Charles et incapable d’une bassesse.

ORANGE.

Les rois ne font rien de bas.

EGMONT.

11 faudrait apprendre à le connaître.