Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome II.djvu/387

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CARLOS.

Fort bien, Clavijo. Cependant, si je puis le dire sans te fâcher, tes ouvrages me plaisaient beaucoup mieux, quand tu les écrivais encore aux pieds de Marie ; quand l’aimable et vive jeune fille avait encore sur toi de l’influence. Je ne sais, mais l’ensemble avait un air plus jeune et plus brillant.

CLAVIJO.

C’étaient d’heureux jours, Carlos, qui sont passés maintenant. Je me plais à te l’avouer, j’écrivais alors d’un cœur plus ouvert, et il est certain que Marie eut beaucoup de part aux applaudissements que le public me donna d’abord. Mais, Carlos, à la longue on se lasse des femmes ; et n’as-tu pas, le premier, approuvé ma résolution, quand je formai le projet de la quitter ?

CARLOS.

Tu te serais rouillé ! Les femmes sont beaucoup trop uniformes. Mais le moment est revenu, ce me semble, où tu devrais te tracer quelque nouveau plan ; car on n’avance pas, quand on est ainsi enfoncé dans le sable.

CLAVIJO.

Mon plan, c’est la cour, et là il.ne s’agit pas de chômer. Pour un étranger, venu ici sans état, sans nom, sans fortune, n’ai-je pas fait assez de progrès ?… Ici, dans une cour, au milieu de la presse, où il est difficile de se faire remarquer ? Avec quelle satisfaction je jette les yeux sur le chemin que j’ai parcouru ! Aimé des premiers du royaume ! honoré pour ma science, mon rang ! archiviste du roi ! Carlos, tout cela m’aiguillonne ; je ne serais rien, si je restais ce que je suis. En avant ! en avant ! Il en coûte de la peine et de la ruse ; on a besoin de toute sa tête ; et les femmes, les femmes !… On gaspille trop de temps avec elles.

CARLOS. "

Quelle folie ! C’est ta faute. Je ne puis vivre sans les femmes, et elles ne me gênent en rien. Aussi ne leur dis-je pas tant de belles choses, et ne m’amusé-je pas des mois entiers aux sentiments et pareilles sornettes. C’est pourquoi je n’aime point du tout avoir affaire avec les femmes- honnêtes. On a bientôt tout dit avec elles ; ensuite on tourne quelque temps alentour, et, à peine ont-elles un faible pour vous, que le diable leur inspire



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