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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome II.djvu/388

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des idées et des propositions de mariage, que je crains comme la peste…. Te voilà rêveur, Clavijo ? •

CLAVIJO.

Je ne puis chasser de mon souvenir que j’ai abandonné Marie…. que je l’ai trompée : appelle cela comme tu voudras.

- • CARLOS.

Je t’admire ! Il me semble pourtant qu’on ne vit qu’une fois dans ce monde ; qu’on n’a qu’une fois ces forces, ces perspectives ; et celui qui n’en tire pas le meilleur parti, qui ne se pousse pas aussi loin que possible, est un fou. Et se marier, se marier, justement à l’âge où la vie doit prendre tout son essor ! Se mettre en ménage, se claquemurer, quand on n’a pas encore parcouru la moitié de son pèlerinage ! pas fait encore la moitié de ses conquêtes ! Que tu l’aies aimée, c’était naturel ; que tu lui aies promis le mariage, ce fut une folie, et, si tu lui avais tenu parole, c’eût été le dernier délire.

CLAVIJO., • .

Vois-tu, je ne puis comprendre l’homme. Je l’aimais véritablement : elle m’attira, elle me captiva, et, quand je fus à ses pieds, je lui jurai, je me jurai à moi-même, qu’il en serait ainsi éternellement, que je serais son époux, aussitôt que j’aurais un emploi, une position…. Et maintenant, Carlos.,..

CARLOS.

Eh ! quand tu seras un homme fait, quand tu auras atteint le but souhaité, il sera toujours temps, pour couronner alors et pour affermir ton bonheur, de chercher à t’unir, par un mariage raisonnable, avec une maison riche et considérée.

CLAVIJO.

Elle est effacée, absolument effacée de mon cœur, et, si son malheur ne me traversait pas quelquefois l’esprit…. Que l’on est donc changeant !

CARLOS.

Si l’on était constant, je m’étonnerais. Vois donc, tout ne change-t-il pas dans le monde ? Pourquoi nos passions subsisteraient-elles ? Sois tranquille : elle n’est pas la première jeune fille abandonnée, ni la première-qui se soit consolée. S’il faut te donner un conseil, vis-à-vis est une jeune veuve….



CLAVIJO.