Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome II.djvu/418

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CARLOS.

Vous ferez une tranquille petite noce ?

CLAVIJO.

Comme des gens qui sentent que leur bonheur est tout en eux-mêmes.

CARLOS.

Dans la circonstance, c’est fort bien.

CLAVIJO.

La circonstance ! Que veux-tu dire avec la circonstance ?

CARLOS.

Comme la chose va maintenant et se trouve et se présente.

CLAVIJO.

Écoute, Carlos, je ne puis souffrir dans mes amis le ton de la réserve. Je sais que tu n’es pas pour ce mariage ; mais, si tu as à dire, si tu veux dire quelque chose là contre, dis-le sans détour. Comment donc la chose va-t-elle ? Comment se présentet-elle ?

CARLOS.

Il arrive à chacun dans la vie bien des choses inattendues, singulières ; il serait fâcheux que tout suivît l’ornière : on n’aurait plus de quoi s’étonner, plus de quoi parler à l’oreille, plus de quoi médire en société.

CLAVIJO.

Cela fera sensation.

CARLOS.

Le mariage de Clavijo ! Cela s’entend. Combien de jeunes filles à Madrid n’attendent que toi, n’espèrent qu’en toi, et, si tu leur joues un pareil tour !…

CLAVIJO.

C’est pourtant comme cela.

CARLOS.

C’est singulier. J’ai connu peu d’hommes qui fissent sur les femmes une aussi forte, aussi générale impression que toi. Dans toutes les conditions, il y a de bonnes petites personnes qui dressent leurs plans et leurs batteries pour faire ta conquête. L’une compte sur sa beauté, l’autre sur sa richesse ou son rang, son esprit, sa famille. Combien ne me fait-on pas de compliments à cause de toi ! Car assurément ce n’est pas mon