Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome II.djvu/42

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L’hôte. Cela entre par une oreille et sort par l’autre ! H ne m’écoute pas même. Que suis-je donc au logis ? Voici vingt ans que je me suis conduit avec honneur. Croyez-vous, mon ami, pouvoir maintenant disposer de ce que j’ai gagné, et le dissiper de jour en jour ? Non pas, il faudra vous en passer. On n’est pas si bête. Ma réputation est faite depuis longtemps, et durera plus longtemps encore. Le monde entier connaît l’hôte de l’Ours noir. Ce n’est pas un ours si bête : il sait garder sa peau. Maintenant mon auberge est peinte, et je vais l’appeler un hôtel. Les cavaliers pleuvront, et l’argent viendra par monceaux. Mais il s’agit d’être diligent, et de ne pas se soûler comme une brute. Au lit après minuit, et levé de grand matin, voilà ce qu’il faut !

SOELLER.

Jusque-là nous avons encore assez de chemin. Si seulement les choses allaient leur train et n’empiraient pas de jour en jour ! Vient-il donc tant de monde chez nous ? Là-haut les chambres sont vides.

L’hôte.

Mais qui voyage donc maintenant ? Enfin, c’est comme cela ; et M. Alceste n’occupe-t-il.pas deux chambres et le salon ?

SOELLER.

Oui, oui, c’est déjà quelque chose. C’est une bonne pratique ; mais il faut soixante minutes pour faire une heure, et puis M. Alceste sait pourquoi il est ici.

L’hôte.

Comment ?

SOELLER.

A propos, papa, on m’a dit ce matin qu’il y a en Allemagne un corps de braves jeunes gens qui préparent pour l’Amérique des secours et de l’argent ; on dit qu’ils sont nombreux, qu’ils ont assez de courage, et que, le printemps venu, toute la troupe partira.

L’hôte.

Oui, oui, auprès de la bouteille, j’en ai entendu plus d’un faire le fanfaron, se vanter qu’il donnerait sa peau et son poil pour mes États-Unis : là triomphait la liberté ; chacun était brave et hardi ; et, quand le lendemain était venu, personne ne partait.

GŒTHE. — TH. I 3



SOELLER.