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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome II.djvu/425

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de réparer le mal qu’il a fait ; qui, par conséquent, n’a jamais étendu le cercle de ses passions et de son activité au delà du point où il se trouve en état de réparer le mal qu’il a fait, et goûte ainsi le bonheur d’une tranquille médiocrité, l’approbation d’une conscience scrupuleuse, et toute la félicité accordée aux hommes qui sont en état de faire leur propre bonheur et la joie de leurs alentours. Décide-toi, et je te dirai que tu es un bon garçon….



CLAVIJO.

Une étincelle, Carlos, de ton ardeur, de ton courage !

CARLOS.

Elle sommeille en toi, et je soufflerai jusqu’à ce qu’elle s’enflamme. Vois, d’un autre côté, la fortune et la grandeur qui t’attendent. Je ne veux pas te peindre ces perspectives avec des couleurs poétiques, éblouissantes ; veuille te les figurer toi-même aussi vivement que ton âme les voyait devant elle, en pleine lumière, avant que cette folle tête française eût troublé tes sens. Mais ici encore, Clavijo, sois un garçon résolu, et va directement ton chemin, sans regarder à droite et à gauche. Puisse ton âme s’agrandir, et puisse pénétrer en toi la vérité de cette grande pensée, que les hommes extraordinaires sont précisément aussi des hommes extraordinaires, en ce que leurs devoirs s’écartent des devoirs du commun des hommes ; que celui dont la tâche est de surveiller, de diriger, de maintenir un grand ensemble, ne doit se faire aucun reproche d’avoir négligé les petits intérêts, et sacrifié des bagatelles au bien général. Si le Créateur procède ainsi dans la nature, le roi dans ses États, pourquoi ne le ferions-nous pas aussi pour leur ressembler ?

CLAVIJO.

Carlos, j’ai l’âme petite.

CARLOS.

Nous ne sommes pas petits quand les circonstances nous traversent, mais seulement quand elles nous accablent. Encore un effort et tu reviens à toi-même. Rejette loin de toi le reste d’une malheureuse passion, qui, à cette heure, est aussi peu faite pour toi que la jaquette grise et la mine modeste avec lesquelles tu es arrivé à Madrid. Tu as payé dès longtemps à la pauvre fille ce qu’elle a fait pour toi et l’accueil amical qu’elle eut le mérite de te faire ici la première…. Ah ! pour jouir de ta société, une autre en aurait fait autant et plus encore, sans élever de pareilles prétentions !…Et te viendra-t-il dans lapensé