Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome II.djvu/427

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CARLOS. Mais, en attendant que le procès soit commencé (car jusque-là le monsieur pourrait nous jouer encore bien des tours), si nous allions au plus sûr, et si nous le faisions tout simplement enlever ?

CLAVIJO.

Je comprends, et je te sais capable d’en venir à bout.

CARLOS.

Allons donc ! Moi qui roule par le monde depuis vingt-cinq ans, moi qui assistais le premier des hommes, quand la sueur de l’angoisse lui couvrait le visage, je ne pourrais venir à bout de cette farce ! Ainsi donc tu me laisses les mains libres ; tu n’as rien à faire, rien à écrire. Celui qui fait enfermer le frère donne à entendre par gestes qu’il ne veut pas de la sœur.

CLAVIJO.

Non, Carlos, quoi qu’il arrive, je ne puis, je ne veux pas souffrir cela. Beaumarchais est un homme estimable, et ne doit pas, pour sa juste cause, languir dans une honteuse prison. Une autre idée, Carlos ! une autre idée !

CARLOS.

Bah ! bah ! enfantillages ! Nous ne voulons^pas le dévorer ; il sera bien gardé, bien soigné, et ce ne peut être pour longtemps. Car, vois-tu, quand il s’apercevra que c’est tout de bon, son zèle théâtral s’humiliera ; il s’en retournera en France tout déconcerté, et remerciera, le plus poliment du monde, si l’on veut bien faire à sa sœur une pension…. C’était peut-être tout ce qu’il voulait.

CLAVIJO.

A la bonne heure ! Mais traite-le avec ménagement.

CARLOS.,

Sois tranquille…. Encore une précaution ! On ne peut savoir si les gens ne babilleront point, s’il n’aura point vent de la chose, et il te prévient et tout est perdu. C’est pourquoi, déloge de ta maison, sans qu’aucun domestique sache où tu es allé. Fais seulement un paquet du plus nécessaire. Je t’envoie quelqu’un pour le porter et te conduire en un lieu où la sainte Hermandad elle-même ne saurait te trouver. J’ai, comme cela, une couple de trous de souris toujours prêts…. Adieu.



- GLAVIJO.