Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome II.djvu/437

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Silence, monsieur ! Venez. Songez au péril dans lequel vous ête*s.

CLAVIJO.

Va dans l’enfer ! Je reste. •

LE DOMESTIQUE.

Carlos ! oh ! que je puisse le trouver !… Carlos ! Il est hors de lui. (Le domestique s’éloigne.)

CLAVuo, seul. Les. hommes sont dans l’éloignement.

Elle est morte ! Marie est morte ! Voilà les flambeaux, son triste cortége !… C’est une illusion, une vision de nuit, qui m’effraye, qui me présente un miroir, dans lequel je dois reconnaître et prévoir l’issue de mes trahisons !… Il est temps encore ! encore !… Je frémis…. je sens mon cœur frissonner et se fondre…. Non, non, tu ne dois pas mourir. Me voici ! me voici !… Disparaissez, fantômes de la nuit, . qui vous présentez sur mon passage avec de douloureuses terreurs ! (Il s’élance vers eux.) Disparaissez !… Ils restent !… Ils promènent sur moi leurs regards ! Malheur ! malheur ! ce sont des hommes ainsi que moi…. Est-il vrai ?… vrai ?,.. Peux-tu le comprendre ? Elle est morte. Il me saisit, avec toute l’horreur de la nuit, ce sentiment : elle est morte ! elle est gisante, la fleur, à tes pieds !… et toi !… Prends pitié de moi, Dieu du ciel !… Je ne l’ai pas tuée !… Cachez-vous, étoiles, ne regardez pas en terre, vous qui si souvent avez vu le malfaiteur quitter ce seuil, dans le sentiment de la plus douce ivresse, et, par ces mêmes rues, avec la guitare et les chansons, poursuivre ses rêves dorés, et enflammer, par une délicieuse attente, sa bien-aimée, qui le guettait derrière la secrète jalousie…. Et tu remplis maintenant cette maison de douleur et de gémissements ! et de chants funèbres ce théâtre de ton bonheur !… Marie, Marie, viens me prendre, viens me prendre avec toi ! (On entend dans la maison quelques sons d’une musique lugubre.) Ils vont la porter au tombeau…. Arrêtez ! arrêtez ! Ne fermez pas le cercueil ! Laissez-moi la voir encore une fois. (Il s’élance vers la maison.) Hélas ! à qui donc, à qui oserawje me présenter ? à qui me montrer dans ses affreuses douleurs ?… A ses amis ? à son frère, dont le cœur est plein d’un furieux désespoir ? (Lamusique recommence.) Elle m’appelle ! elle m’appelle !