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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome II.djvu/56

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La chambre d’Alceste. — Le théâtre est partagé, de I’avant-scène au fond, en une chambre et une alcôve. D’un côté de la chambre est une table, sur laquelle sont des papiers et une cassette. Au fond, une grande porte, et, de côté, une petite, vis-à-vis de l’alcôve.

SCENE I.

SCELLER, seul.

(Il paraît à la petite porte. Il est en domino, le masque sur le visage, sans souliers, et il tient à la main une lanterne sourde. Il éclaire timidement le tour de la salle, puis il s’avance plus hardiment, ôte son masque et s’essuie la sueur du visage. )

Il n’est pas absolument nécessaire que l’on soit brave : on parvient aussi dans le monde avec l’adresse et la ruse. L’un vient à vous, armé de pistolets, pour attraper un sac plein d’argent et peut-être la mort, et dit : * La bourse ! Ici, sans tant regimber, » avec autant de sang-froid que s’il disait : « Messieurs, Dieu vous bénisse. » L’autre fait sa ronde, avec des mains magiques et des manœuvres promptes comme l’éclair, pour dérober les montres, et, si cela vous plaît, il vous dit en face : « Je vole ! prenez garde. » Il vole, vous ne le voyez pas. La nature, je l’avoue, m’a fait beaucoup plus chétif. Mon cœur est beaucoup trop faible ; mes doigts sont trop pesants ; et cependant il est difiicile, par le temps qui court, de n’être pas un fripon. L’argent est plus rare chaque jour, et chaque jour il en faut davantage. Te voilà lancé maintenant ; tire-toi de ce piége. Ah ! toute la maison suppose que je passe la nuit au bal…. Le seigneur Alceste…. se divertit…. ma petite femme dort toute