joyaux et sauver une jeune fille, qui est irrévocablement perdue. Sans doute on vous récompensera de ce service ; notre malheur sera un capital dont vous tirerez de gros intérêts. Quand vous jouirez de la faveur du prince, des emplois lucratifs, en possession desquels vous vous trouverez bientôt, je ne demande pas que vous songiez aux larmes d’une pauvre jeune fille, dont la confiance vous a fourni l’occasion de vous mettre aux écoutes ; mais, à présent que vous Êtes un homme considérable à la cour, employez votre influence pour obtenir ce que je vous demandais avec prière, quand vous n’aviez ou du moins ne laissiez voir autre chose que des sentiments que je devais honorer. Obtenez de cet homme sérieux et respectable que je ne sois pas emmenée avec cette société ; que ma jeunesse ne soit pas exposée dans un pays étranger à de plus grandes humiliations que celles dont je fus déjà victime dans celui-ci. (Au Commandant.) Je vous en prie, je,vous en conjure, monsieur, si vous avez une fille, dont vous attendiez votre bonheur, faites-moi partir, mais seule ! Enfermez-moi, mais ne me bannissez pas !
LE COMMANDANT.
Elle me touche !
Le Chevalier, à la Nièce. Parlez-vous sérieusement ?
LA NIÈCE.
Plût à Dieu que vous l’eussiez cru plus tôt !
LE COMMANDANT.
Je puis satisfaire à votre désir sans sortir de mes instructions.
LA NIÈCE.
Oui, vous remplirez vos instructions, si l’on veut, comme il paraît, assoupir cette entreprise téméraire. Ne me bannissez pas, ne m’envoyez pas dans les pays étrangers, car la curiosité sera éveillée. On contera l’histoire, on la répétera. On se dira : « Quelle est la figure de cette jeune aventurière ? Il faut qu’elle ressemble à la princesse : sans cela on ne pouvait imaginer, on ne pouvait jouer cette comédie. Où est-elle ? Nous voulons la voir, nous voulons la connaître. » O chevalier, si j’étais une créature telle que vous supposiez, cette aventure serait à souhait pour moi, et je n’aurais pas besoin d’autre établissement pour faire fortune dans le monde.
LE COMMANDANT.