Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome III.djvu/196

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la crainte et la défiance dans un pays tranquille. Nous n’avons rien à craindre. Enfants, aimez-vous, cultivez bien vos champs, et tenez bien votre ménage !

Rose.

C’est notre affaire.

George.

Nous nous en tiendrons là.

Le Seigneur.

Et vous, bon vieillard, mettez votre gloire à bien connaître la nature du pays et les saisons, et réglez vos semailles et vos moissons en conséquence. Laissez les pays étrangers arranger eux-mêmes leurs affaires, et n’observez tout au plus l’horizon politique que les dimanches et les jours de fête.

Martin.

Ce sera sans doute le meilleur.

Le Seigneur.

Que chacun commence par soi, et il trouvera beaucoup à faire ; que l’on mette à profit le temps de paix qui nous est accordé ; que l’on se procure à soi et aux siens de légitimes avantages : on contribuera de la sorte au bien général.

Le Juge, qui, dans l’intervalle, a témoigné son impatience, prend la parole brusquement, comme pour interrompre le seigneur.

Mais l’affaire n’en peut absolument rester là ! Songez aux conséquences ! Une pareille chose resterait impunie !…

Le Seigneur.

Calmez-vous. Des ordres intempestifs, des punitions intempestives ne servent qu’à faire éclater le mal. Dans un pays où le prince ne se dérobe à personne ; où toutes les classes ont de la bienveillance les unes pour les autres ; où personne n’est empêché d’exercer son activité à sa manière ; où les idées et les connaissances utiles sont généralement répandues : là il ne peut se former des partis. Ce qui se passe dans le monde excitera l’attention ; mais les sentiments séditieux de nations entières n’auront aucune influence. Dans notre État paisible, nous serons reconnaissants de voir sur nos têtes un ciel serein, tandis que de malheureuses tempêtes dévastent d’immenses contrées.

Rose.

Comme on vous écoute avec plaisir !