Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome III.djvu/277

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heureux passage ! De la raison à la folie !… Qui souffrit jamais ce que j’ai souffert ? Maintenant il me vient à propos ton ordre sévère : je me hâte de fuir ; je cherche la mort. Elle a absorbé ma vie dans la sienne : je n’ai plus rien en moi pour vivre encore. (Il s’éloigne.)

PROMÉTHÉE, à Épimélie.

Es-tu confondue ? Est-ce que tu avoues les choses dont il t’accuse ?

ÉPIMÉTHÉE.

Je vois avec consternation cette étrange aventure.

ÉPIMÉLIE, s’avançant entre eux.

« Dans leur marche commune, constante, harmonieuse, les étoiles nous versent leur lumière éternelle ; la lune éclaire tous les sommets ; et dans le feuillage murmurent les haleines du vent, et dans ces haleines soupire Philomèle, et joyeusement soupire avec elle le jeune cœur, animé par le doux rêve du printemps. Ô dieux ! d’où vient que tout dure sans cesse, que notre bonheur seul doit cesser ?

« La clarté des étoiles et l’éclat plus brillant de la lune, la profondeur des ombres, la chute et le murmure des eaux durent sans cesse : notre bonheur seul doit cesser. Écoutez ! Le pasteur s’est formé d’une feuille deux lèvres délicates, et il fait retentir, dès le matin, dans les campagnes le joyeux prélude des grillons que le midi réveille ; mais les sons de la lyre aux cordes nombreuses saisissent tout autrement le cœur. On écoute. Et qui, si matin, peut déjà courir les campagnes ? Et qui, dans les campagnes, chante avec la lyre d’or ? La jeune fille voudrait le savoir ; la jeune fille ouvre doucement la porte ; elle écoute par la porte entr’ouverte. Et le jeune homme s’en aperçoit. Quelqu’un remue à cette place ! Qui ? Il voudrait le savoir ; il guette, il observe. Ainsi ils s’observent l’un l’autre ; tous deux ils se voient dans le demi-jour. Et ce qu’on a vu, le cœur aussitôt désire le bien connaître, et ce que l’on connaît une fois, il désire se l’approprier, et l’on se tend les bras et les bras se ferment. Une sainte union (le cœur triomphe désormais), une sainte union est conclue.

« Ô dieux ! d’où vient que tout dure sans cesse, que notre bonheur seul doit cesser ? La splendeur des astres, une douce