Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome III.djvu/290

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nues. Je vous invite et vous appelle à une belle et certaine capture. Vous, nageurs, nagez ; plongez, vous, plongeurs ; guetteurs, observez sur le rocher. Que le rivage foisonne comme les flots ; qu’il foisonne promptement de travailleurs. »

PROMÉTHÉE.

Quel sujet suspend ta course ? ô fugitive ! Quel objet enchaîne ton regard sur les bords de ce golfe ? Ô toi, toujours silencieuse, qui donc appelles-tu ? à qui donnes-tu des ordres ? Toi qui ne réponds à personne, parle-moi cette fois.

L’AURORE.

« Sauvez, sauvez ce jeune homme, qui, désespéré, ivre d’amour, ivre de vengeance, durement outragé, s’est précipité du rocher dans les ondes, que la nuit enveloppait de ses voiles. »

PROMÉTHÉE.

Qu’entends-je ? Philéros a-t-il obéi à la menace du châtiment ? S’est-il fait justice lui-même ? A-t-il cherché une froide mort dans les flots ? Courons ! hâtons-nous ! Je le rendrai à la vie !

L’AURORE.

« Arrête, ô père ! Tes reproches l’ont poussé à la mort : ta science, tes efforts, ne le rendront pas cette fois à la vie. Cette fois, c’est la volonté des dieux, c’est son propre mouvement, c’est le pur, l’irrésistible effort de la vie, qui te rendront Philéros renaissant. »

PROMÉTHÉE.

Est-il sauvé ? Parle, et le vois-tu ?

L’AURORE.

« Là-bas il reparaît déjà au milieu des flots, le fort nageur ; car le plaisir de vivre ne permet pas au jeune homme de périr ; autour de lui jouent les ondes matinales, agitées à petits plis ; il joue lui-même avec le flot qui porte une charge si belle. Tous les pêcheurs, tous les nageurs, se rassemblent vivement autour de lui, mais non pour le sauver : ils folâtrent et se baignent avec lui. Des dauphins même l’accompagnent et s’unissent à la troupe mobile ; ils nagent à la surface, et portent le beau jeune homme plein d’une vigueur nouvelle. Toute la foule tourbillonne et s’élance au rivage.

« Et le rivage ne veut pas le céder aux ondes en mouvement, en allégresse ; toutes les collines, tous les écueils sont couronnés