Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome III.djvu/291

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d’une foule vivante ! Tous les vignerons, sortant de leurs pressoirs, de leurs caves rocheuses, répandent coupe après coupe, cruche après cruche, dans les flots animés. Et lui, pareil aux dieux, quittant le dos écumeux des monstres marins caressants, richement couronné de mes roses, nouvel Anadyomène, il monte sur le rocher. Un vieillard à longue barbe, souriant et joyeux, lui présente la plus riche et la plus belle coupe, à lui, qui semble un autre Bacchus !

« Que les coupes s’entre-choquent ! que l’airain retentisse ! Ils se pressent autour de lui, et me portent envie, de voir d’en haut le ravissant spectacle de sa beauté. La peau de panthère, attachée à ses épaules, se balance autour de ses flancs, et, le thyrse à la main, il s’avance comme un dieu. Entends-tu ces cris d’allégresse ? Entends-tu l’airain retentir ? Oui, la grande solennité du jour, la fête générale commence. »

PROMÉTHÉE.

Quelles fêtes viens-tu m’annoncer ? Je ne les aime pas. Chaque nuit apporte assez de rafraîchissement aux travailleurs fatigués. La véritable fête de l’homme sage, c’est l’action.

L’AURORE.

« Maints avantages furent communs à toutes les heures. Mais que celle-ci, choisie par les dieux, soit fêtée ! L’aurore lève les yeux vers les espaces célestes, et la destinée de ce jour se dévoile à sa vue. La majesté, la beauté, descendent, d’abord cachées, pour se manifester ; manifestées, pour se cacher encore. Des flots s’avance Philéros ; des flammes s’avance Épimélie : ils se rencontrent, et chacun d’eux se sent tout entier dans l’autre, et sent l’autre tout entier. Ainsi réunis par l’amour, doublement heureux, ils embrassent l’univers. Soudain du ciel descendent l’action et la parole qui bénissent ; des faveurs descendent, imprévues auparavant. »

PROMÉTHÉE.

« La nouveauté ne me charme point, et cette race est suffisamment dotée pour la terre. À la vérité, elle ne travaille que pour le jour présent ; elle ne songe que rarement aux événements de la veille ; ses maux, ses plaisirs passés sont perdus pour elle. Même, dans l’heure présente, elle saisit brusquement, elle prend ce qu’elle rencontre, se l’approprie, le rejette, sans songer, sans