Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome III.djvu/391

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de la femme qui, par un sort étrange, me fut secrètement unie : c’est pour elle que la cour porte encore le deuil, et partage les secrètes douleurs de mon àme.




LE ROI.

La princesse ? Cette femme respectée, ma proche parente, qui vient de mourir !…

LE DUC.

C’était la mère. Laisse-moi, oh ! laisse-moi ne te parler que de cette enfant, qui, toujours plus digne de ses parents, jouit de la vie avec des sentiments élevés. Que le reste soit enseveli avec cette femme au noble esprit, au noble cœur. Sa mort m’ouvre la bouche ; j’ose nommer ma fille devant mon roi ; j’ose le prier de l’élever à moi, de l’élever à lui, de lui accorder, par sa pleine grâce, le rang de princesse devant sa cour, devant son royaume, devant le monde entier.

LE ROI.

Si la nièce que tu songes à me produire tout élevée, réunit en elle les vertus de son père et de sa mère, la cour, la maison royale, devront, à l’heure qu’un astre nous est ravi, admirer le lever d’un astre nouveau.

LE DUC.

Oh ! apprends à la connaître, avant de te résoudre tout à fait en sa faveur. Ne te laisse pas séduire par les discours d’un père. La nature a Tait pour elle beaucoup de choses, que j’observe avec ravissement, et j’ai établi, pour veiller sur son enfance, tout ce qui vit dans mon entourage. Une femme cultivée, un homme sage, dirigèrent ses premiers pas. Avec quelle vive intelligence elle jouit du présent, tandis que l’imagination sait lui peindre les biens à venir avec les flatteuses couleurs de la poésie ! Son cœur pieux s’attache à son père ; et, tandis que son esprit, se développant par degrés, écoute paisiblement les leçons d’excellents maîtres, les exercices chevaleresques ne manquent pas à son corps élégant et robuste. Toi-même, sire, tu l’as vue autour de toi, sans la connaître, dans le tumulte de la chasse. Oui, aujourd’hui même !… La jeune amazone qui, la première, sur un cheval fougueux, s’est élancée vivement dans la rivière à la suite du cerf !