ces arbitres souverains, qui peuvent se permettre une pareille mesure. Hélas ! ils sont eux-mêmes liés et contraints. Ils agissent rarement par libre conviction. Le souci, la crainte d’un plus grand mal, arrachent au prince des actes injustes, mais utiles. Fais ce que tu dois. Éloigne-toi de ma sphère étroite et nettement tracée.
LA GOUVERNANTE.
C’est elle justement que je cherche ! C’est la. que je cours ! là que j’espère le salut ! Tu ne me repousseras point. Dès longtemps je souhaitais de convaincre ma noble élève du bonheur qui réside, avec une heureuse médiocrité, dans les rangs de la bourgeoisie. Si elle renonçait à la grandeur, qui ne lui est pas accordée ; si elle se mettait sous la protection d’un honnête époux, et, de ces régions où la guettent le danger, le bannissement, la mort, tournait son gracieux regard vers la vie domestique : tout serait accompli ; je serais déchargée de mon rigoureux devoir ; je pourrais rester dans ma patrie et y passer des jours tranquilles.
LE CONSEILLER.
Tu m’exposes une étrange affaire.
LA GOUVERNANTE.
Je l’expose à un homme ferme et prudent.
LE CONSEILLER.
Tu la déclares libre, s’il se trouve un époux ?
LA GOUVERNANTE.
Et je la donne richement dotée.
LE CONSEILLER.
Qui oserait se résoudre si soudainement ?
LA GOUVERNANTE.
C’est toujours soudainement que l’amour se décide.
LE CONSEILLER.
Ce serait étourderie de choisir une inconnue.
LA GOUVERNANTE.
Le premier regard suffit pour la connaître et l’estimer.
LE CONSEILLER.
Les ennemis de l’épouse menaceront aussi l’époux.
LA GOUVERNANTE.
Tout s’apaisera, quand elle portera le titre d’épouse.