est le plus prudent ?
LE CHANOINE.
Celui qui trouve son avantage dans tout ce qui lui arrive. Le Chevalier, se levant de nouveau brusquement.
Laissez-moi partir ! Il m’est impossible, il m’est insupportable d’entendre de pareils discours !
Le Chanoine, avec un demi-sourire.
J’ai éprouvé presque la même chose que vous. (Au Comte.) Il faut lui pardonner de se montrer si récalcitrant. (Au Chevalier.) Calmez-vous ; vous rirez bientôt de vous-même, et vous nous pardonnerez le rire qui vous fâche en ce moment. En quittant le champ du jeune enthousiasme, où le maître mène ses disciples à la lisière, on croit passer par un pont d’or dans un charmant pays de fées ; et certes l’attente est bien trompée, lorsqu’on est ramené brusquement dans le monde réel, d’où l’on croyait s’éloigner.
Le Chevalier.
Messieurs, vous permettez que je me retire, que je me remette de mon étonnement.
Le Chanoine.
Allez seulement, allez, et observez le monde, observez votre propre cœur. Plaignez, je le veux bien, les fous, mais tirez parti de la folie. Voyez comme chacun cherche à tirer d’autrui tout ce qu’il peut et à lui rendre le moins possible. Chacun aime mieux commander que servir, aime mieux qu’on le porte que de porter. Chacun demande largement l’estime et le respect, et les rend aussi maigrement qu’il peut. Tous les hommes sont égoïstes : un écolier, un fou, peuvent seuls vouloir les changer. Celui qui ne se connaît pas lui-même niera seul que les choses se passent ainsi dans son propre cœur.
Le Chevalier.
Où suis-je tombé ?
Le Chanoine.
C’est ce cours du monde que le maître vous développera entièrement dans le deuxième degré. Il vous montrera qu’on ne peut rien demander aux hommes sans se jouer d’eux et sans flatter leur caprice ; qu’on se fait des ennemis implacables, si l’on