Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome IV.djvu/101

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les rejette ; mais, sans être vus, ils suivent dans ses sentiers l’homme de courage, et leur prière pénètre jusqu’à l’oreille des dieux. De mystérieux secours sont souvent procurés par le faible au puissant.

ElpÉnor.

J’entends, j’entends les cris de joie et le bruit des trompettes monter de la vallée. Oh ! laisse-moi courir. Ils arrivent ! Je veux aller par ce sentier rapide au-devant de leurs pas. Toi, cher ami, suis le grand chemin ou, si tu veux, reste ici.

(Il s’éloigne. )

SCÈNE III.

POLYMÉTIS, seul.

Comme la flatterie déjà sonne agréablement aux oreilles de cet enfant ! Et pourtant elle est innocente la flatterie de l’espérance. Si quelque jour nous devons te louer pour ce que nous désapprouvons, nous le sentirons plus durement. Qu’il s’estime heureux celui qui passe sa vie loin des dieux de ce monde ! Qu’il les honore et les craigne et les remercie en silence, quand leur main gouverne le peuple doucement ! Leur souffrance le touche à peine et il peut partager leur joie sans mesure. Oh ! malheur à moi ! deux fois malheur aujourd’hui ! Joyeux et bel enfant, dois-tu vivre ? Faut-il que je tienne enchaîné dans ses abîmes le monstre qui peut te déchirer ? Faut-il que la reine apprenne quel noir forfait ton père a commis contre elle ? Me récompenseras-tu si je me tais ? Une fidélité qui ne fait point de bruit est-elle sentie ? A mon âge, que puis-je encore espérer de toi ? Je serai pour toi un fardeau. Avec un serrement de main au passage, tu me croiras très-satisfait. Tu es entraîné par le torrent de ceux qui sentent comme toi ; cependant ton père nous gouverne avec un sceptre pesant. Non, si un soleil me doit luire encore, je veux qu’une affreuse discorde bouleverse la maison, et, quand surviendra la détresse, avec ses mille bras, alors on sentira de nouveau ce que nous valons, comme dans les troubles des premiers temps ; alors on s’empressera de nous prendre, comme une vieille épée au pilier, et de nettoyer la rouille de sa