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SCÈNE IV.

Dorn.

Ne le crois pas : cela ne durera pas longtemps encore.

Foerster.

Que crois-tu donc ?

Dorn.

Ils céderont, ils se verront, s’aimeront, et d’un amour plus éprouvé.

Foerster.

Je voudrais bien savoir ce qui te donne tant de sérénité.

Dorn.

C’est que je vois mon ouvrage accompli. Ils sont tous deux au point où je les voulais, tels que je les voulais ; le peu de paroles qu’ils ont dites, toutes leurs actions sont d’accord avec leur situation, leurs sentiments.

Foerster.

Comment cela ?

Dorn.

Edouard, jeune homme plein de feu, se montre encore mécontent ; il est combattu entre l’amour et la vanité, mais l’amour triomphera. Il sent le tourment de la solitude ; la figure, les charmes d’Éléonore se présentent vivement devant ses yeux ; il ne soutiendra pas ce combat plus longtemps. Incapable désormais d’aucune distraction, il ouvrira la porte, il se déclarera vaincu.

Foerster.

Cela ne me semble pas encore tout à fait certain.

Dorn.

Éléonore, noble et modeste jeune fille, mais un peu capricieuse, espérait d’abord oublier Edouard en s’occupant, et soutenir fermement le temps d’épreuve ; mais un jour s’est passé, puis un autre… elle a dû craindre la froideur chez son amant ; elle n’a pas voulu s’en informer : elle est donc restée renfermée en elle-même, abandonnée à l’anxieuse incertitude ; elle a vivement senti l’isolement, la perte d’une tendre sympathie ; elle n’a aucun moyen de faire le premier pas : la retenue le lui défend, et elle préfère souffrir. De là ces soupirs, ces larmes, ce défaut de sommeil et d’appétit. Elle croit se dédommager par la contemplation de choses inanimées qui rappellent l’unique objet de