Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome IV.djvu/171

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de mon cœur ému. Et, quand la nuit tombe, je vais m’étendre sur ma couche avec angoisse ; là même, nul repos ne m’est accordé ; d’horribles songes me viendront effrayer. Le dieu qui habite en mon sein peut émouvoir profondément tout mon être ; lui, qui règne sur toutes mes forces, il ne peut les faire agir au dehors, et par là l’existence est un fardeau pour moi ; je désire la mort, je hais la vie.

MÉPHISTOPHÉLÈS.

Et pourtant la mort n’est jamais un hôte tout à fait bienvenu.

FAUST.

Oh ! bienheureux celui dont elle ceint les tempes de sanglants lauriers dans l’éclat de la victoire ! celui qu’après la danse rapide, furieuse, elle surprend dans les bras d’une maîtresse ! Oh ! si je pouvais, ravi, inanimé, m’abîmer devant la puissance du grand Esprit !

. MÉPHISTOPHÉLÈS.

Et pourtant, la nuit dernière, quelqu’un n’a pas avalé certain breuvage noir….

t Faust. Il paraît que l’espionnage est ton plaisir !

MÉPHISTOPHÉLÈS.

Je n’ai pas la toute-science, mais je sais beaucoup de choses.

FAUST.

Puisque des chants familiers çt doux m’ont arraché à ce trouble affreux, ont abusé, par les accents d’un temps heureux, les derniers vestiges de mes sentiments d’enfance, je maudis tout ce qui entoure notre âme de séductions et de prestiges, et la relègue dans cette sombre caverne, avec des forces qui la flattent et l’éblouissent ! Soit, dès ce jour, maudite la haute, opinion dont l’esprit s’enveloppe lui-même ! maudite, la magie de l’apparence, qui s’empare de nos sens ! maudite, l’imposture qui, dans nos rêves, nous montre un fantôme de gloire et d’immortelle renommée \ maudit, ce qui nous flatte comme possession, comme femme et enfant, comme valets et charrues ! Maudit soit Mammon, quand, avec des trésors, il nous excite aux entreprises audacieuses ; quand, pour l’oisive jouissance, il nous entoure de’ moelleux coussins ! Maudit soit fc suc embaumé du raisin ! maudites, les suprêmes faveurs de l’amour ! maudite, l’